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L'Histoire

(Différences entre les versions)
(Ne faut-il pas affirmer l'indépassable relativité de l'histoire à l'historien.)
(Conclusion : Statut de la connaissance historique : l’histoire est une « connaissance par foi ».)
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L'historien doit avoir lui même une richesse d'expérience qui lui permet de procéder pas analogie. Pour faire de l'histoire, il faut élargir toujours la communauté à laquelle on appartient. L'historien doit être ouvert à une compréhension universelle des hommes. (et parfois, faute de culture, il peut passer à côté du sens des actions de l'homme du passé.) « L'histoire est un sport pour l'âge mûr » (Marrou)
L'historien doit avoir lui même une richesse d'expérience qui lui permet de procéder pas analogie. Pour faire de l'histoire, il faut élargir toujours la communauté à laquelle on appartient. L'historien doit être ouvert à une compréhension universelle des hommes. (et parfois, faute de culture, il peut passer à côté du sens des actions de l'homme du passé.) « L'histoire est un sport pour l'âge mûr » (Marrou)
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=== Conclusion : Statut de la connaissance historique : l’histoire est une « connaissance par foi ». ===
=== Conclusion : Statut de la connaissance historique : l’histoire est une « connaissance par foi ». ===

Version du 29 mai 2009 à 16:57

Sommaire

L'Histoire

Introduction

Le français utilise un seul mot qui recouvre deux significations bien distinctes.

L'histoire, c'est d'abord le devenir historique « Geschichte « (survenir, se produire pour un événement). L'histoire est un processus d'engendrement. Il faut penser un surgissement de formes à travers le changement.

C'est aussi d'après le grec « Historia », qui signifie enquête, description, la connaissance que l'historien essaie de constituer.

La question de l'histoire est double

Il faut s'interroger sur le devenir de l'humanité dans le temps

Il faut s'interroger sur le statut de cette connaissance que l’historien essaie de constituer.

NB : L'homme est un être historique. Les espèces animales répétant de génération en génération le même comportement. (Les théories de l'évolution décrivent le surgissement de formes nouvelles, ici, on parle d'une espèce constituée.) Le temps de l'humanité est fécond et non répétitif L'homme qui travaille, invente des techniques, transforme son milieu et ce faisant, se transforme lui même. On peut lier l'historicité de l'homme au travail et à la technique.


"L'histoire, c'est la connaissance du passé humain par l'homme du présent". H. I. Marrou

L’histoire nous fait rencontrer les difficultés générales des sciences humaines et pose un problème particulier lié à son objet propre : le passé humain.

Le discours historique, à partir du 19ème siècle, s'est voulu objectif. Il ne s'agit plus de mythe, ni de fable, ni d'image d'Epinal, on ne cherche plus dans le passé des exemples édifiants. Marrou emploie à dessein le mot connaissance pour dire ce souci d'objectivité. Pourtant, l'historien contemporain renonce à donner au discours historique un statut de science exacte. L'élaboration de la connaissance historique n'est - elle pas inévitablement relative à l'historien, à sa pensée, à son appartenance à une époque ? Ne disons pas que l'historien falsifie délibérément l'histoire à des fins idéologiques, ( les révisionnistes niant l'existence des camps d'exterminations de la 2ème guerre mondiale pervertissent totalement l'idéal de l'historien,) mais comprenons que l'histoire animée par un souci d'objectivité, se heurte à des limites.


Quelle est la particularité de l'objet de l'histoire ?

a/ L'histoire est une connaissance indirecte. Son objet est absent. Le passé n'est connu qu'indirectement, par ouï dire, par témoignage, par l'analyse de documents. « On nous rapporte que … » Le passé doit nous être rapporté, nous ne pouvons pas le déduire. La vérité de l'histoire ne peut être qu'une vérité de fait, et non pas une vérité de raison. Si on n'a pas de traces, on perd le passé L'histoire est une discipline de mémoire. Toute perte de documents (incendies) est irréversible. La physique peut toujours se réinventer, mais on ne peut pas sauver de l'oubli une époque sur laquelle on n'a pas de témoignage.

Toutes les sciences exactes commencent par la suspension du jugement, la critique. L’histoire au contraire doit commencer par une adhésion. L’historien doit commencer par faire confiance. Il rencontre l’expérience de la croyance. L’historien radicalise une expérience familière, celle de la croyance. Il fait l’expérience d’une confiance médiatisée : il faut croire « des gens qui racontent des choses qu’on ignore » (les témoins).

Dans mon expérience familière, j’ai souvent à interpréter des signes : quelqu’un me témoigne des intentions (amitié par exemple) L’historien réunit, met à jour des choses qui seront comme des « signes »

b/ L'objet de l'histoire c'est le fait singulier, individuel, que jamais on ne verra deux fois. D'où la définition de Paul Veyne : « L'histoire est un récit d'événements vrais » L’événement, c’est ce qui arrive, de manière ponctuelle. L’événement est singulier.

Réciter, c'est rapporter des faits ou des événements, sans les inscrire dans un système déductif.

Montaigne écrit : "Les uns forment l'homme, je le récite" (Essais III-2.) Réciter l’homme, c'est le saisir comme contingent, muable, renoncer à lui assigner une forme définitive.

En faisant de l'histoire un « récit », Paul Veyne veut souligner que l'historien énonce des faits ou des événements, sans les inscrire dans un système déductif.

L'histoire ne se répète pas, il n'est d'histoire que des variations. Certaines sciences ont pour but d'établir des lois, certaines comme l'histoire s'intéressent à l'individuel. Ce qui individualise les événements historiques, c'est le fait qu'ils arrivent à un moment donné.

En physique en un sens, chaque expérience est unique, mais la physique en extrait un corps de lois, une abstraction sans lieu ni date (la chute des corps.) En histoire, c'est impossible.

La physique est un corps de lois, l'histoire est un corps de faits. (Paul Veyne : Comment on écrit l'histoire. )

c/ L'histoire se déroule dans le sublunaire : le sublunaire est le royaume du probable. Le monde de l'histoire est celui du contingent. On ne peut pas savoir de quoi demain sera fait.


Qu'est-ce qui est historique ?

L'histoire est un récit d'événements vrais. Reprenons la formule de Paul Veyne. Ce qui importe est que l'événement ait réellement eu lieu (Ce n'est pas un roman, une fiction.)

Ce qui est historique, est-ce ce qui est important ? Ce qui a des conséquences actuelles importantes ? (Valéry affirme que l’événement le plus important de l’année 1715 en France, est la découverte de l’écorce de quinquina et non la mort de Louis XIV). « Il est impossible de décider qu'un fait est historique et qu'un autre est une anecdote digne d'oubli. » Cette historicité dépend des critères choisis par l'historien, un fait n'a d'importance relative que dans sa série. Le rhume de Louis XIV a de l'importance si on fait une histoire sanitaire du 17eme siècle. Il n'en a pas si on fait de l'histoire politique. Tout ce qui arrive est également digne de l'histoire, mais encore faut-il qu'il y ait des choix pour éviter l'éparpillement dans la singularité. « L'historien choisit son intrigue » On comprend donc que l’histoire se construit, elle dépend du regard que l’historien jette sur le passé. La notion de fait historique est elle aussi problématique.



La particularité du moyen de l’histoire : le document

L'événement historique est donc toujours saisi indirectement à travers des documents L'histoire est une science des traces. (D'abord des traces écrites.) C'est une connaissance mutilée, parce que les documents sont lacunaires, leur conservation est aléatoire et inégale.

a / Les historiens scientistes du 19ème siècle ont essayé de faire abstraction de la subjectivité de l'historien. "L'histoire se fait avec des documents. » Le 19ème siècle élabore des techniques de critique de document. Critique externe : datation, authenticité, restitution du texte. Critique interne : le témoin a-t-il pu se tromper, dans quel sens son témoignage a-t-il été infléchi ? Etc. Ces techniques sont toujours à la base du travail de l’historien.

Les positivistes croyaient pouvoir ainsi extraire le "fait historique" de sa gangue, s'effacer devant les documents et restituer le passé en construisant une chronologie neutre.

Ce travail de critique du document reste essentiel. Il constitue le pôle objectif du travail de l'historien. Mais il ne faut pas se leurrer et comprendre que la subjectivité de l'historien y est aussi engagée. Les positivistes n'ont pas compris que les documents dont ils disposent infléchissent leur vision du passé. Travailler sur des documents d'archives ou sur des documents épigraphiques (écrits sur la pierre), conduit à faire une histoire politique, événementielle (batailles, traités, etc.) et l'histoire des couches les plus aisées de la population( celles qui écrivent) La mémoire du passé est souvent celle des vainqueurs, des plus riches.

De plus, on attend de l'historien plus qu'une simple chronologie. Il faut qu'il établisse des rapports de causalité, donc qu'il isole certains éléments du passé, leur donne de l'importance, les mette en relation pour créer une intelligibilité. Tout historien a à choisir l'importance relative qu'il donne à tel ou tel événement. (Veyne : A la fin de son règne, Louis XIV est impopulaire. La cause de cette impopularité, c’est l’augmentation des impôts)

Une chronologie n'est d'ailleurs pas neutre : les historiens disputent de la date de la fin de l'Empire Romain. (Déposition de Romulus Augustule en 496, ou début du 8ème, quand les invasions arabes finissent d'en détruire les structures administratives ? )



Ne faut-il pas affirmer l'indépassable relativité de l'histoire à l'historien.

« L'histoire, écrit Marrou, est le résultat d'un effort créateur par lequel l'historien, le sujet connaissant établit un rapport entre le passé qu'il évoque et le présent qui est le sien. »

« L'histoire, c'est ce que l'historien réussit à étreindre du passé, mais en passant par des instruments de connaissance".

I1 faut partir d'une question posée : le grand historien sera celui qui pose une question féconde. Il la pose en fonction de ses connaissances, de ses centres d'intérêt.

L'historien choisir son « intrigue » dit Veyne. Les historiens s'intéresseront à divers moments à divers objets différents. La réponse à cette question passe par l'étude de documents . L'histoire commence là où existent des documents. Mais, nous l'avons déjà dit, la conservation des documents est arbitraire : ce ne sont pas les questions les plus intéressantes qui sont les mieux documentées. (Beaucoup de papyri sur l'église d’Egypte (sécheresse) mais c'est une Eglise marginale dans l'histoire du christianisme S'il y a trop de documents l'intelligibilité se perd (sur la Terreur en France).


Le document dépend de l'ingéniosité de l'historien : "Est document, toute source d'information dont l'historien sait tirer quelque chose pour la connaissance du passé envisagé sous l'angle de la question posée. (Dendrochronologie, photographies aériennes en lumière rasante, étude médicale des sépultures etc). L'histoire contemporaine fait, grâce à ces nouveaux documents l'histoire des modes de vie, de l'habitat, de l'alimentation etc.

-Quand les documents sont rassemblés, l'élaboration de la connaissance historique met en œuvre la compréhension Il faut imaginer, ressentir, saisir le sens des comportements des hommes du passé, et ceci est toujours relatif à ce que l'historien sait déjà et est lui même.

« L'historien nous est apparu, comme l'homme qui sait sortir de soi pour s'avancer à la rencontre d'autrui ». « On ne peut connaître personne, si ce n'est par amitié. » (Veyne)

L'histoire engage un dialogue entre les hommes des différentes époques ; il faut entrer dans la façon de sentir de l’autre, entrer dans la représentation du monde d'une époque. La sympathie (ressentir avec l’autre,) est constituante de la méthode historique.

L'historien doit avoir lui même une richesse d'expérience qui lui permet de procéder pas analogie. Pour faire de l'histoire, il faut élargir toujours la communauté à laquelle on appartient. L'historien doit être ouvert à une compréhension universelle des hommes. (et parfois, faute de culture, il peut passer à côté du sens des actions de l'homme du passé.) « L'histoire est un sport pour l'âge mûr » (Marrou)


Conclusion : Statut de la connaissance historique : l’histoire est une « connaissance par foi ».

On a souvent recours à la foi dans la vie quotidienne : je fais confiance aux horaires des trains ! L’acte de foi historique comporte des préambules rationnels : l’effort de critique de document décrit plus haut La confiance n'est pas crédulité, ce n'est pas l'arbitraire pur.

« Nous connaissons du passé, ce que nous croyons vrai, de ce que nous avons compris, de ce que les documents nous ont conservé. »

Triple relativité : l'historien fait un acte de foi. II décide à un certain moment que ses exigences critiques ont été satisfaites et que son interprétation du document est valide.

« La connaissance historique reposant sur la notion de témoignage, n'est qu'une expérience médiate, par personnage interposé (document) elle n'est pas susceptible de démonstration, mais est seulement une connaissance de foi"

Revoir : La préface du Traité du Vide de Pascal.

Pascal décrit l’histoire comme une science d’autorité parce qu’elle s’appuie sur les récits des témoins.

Comprendre l’influence de St Augustin qui s’est exercée aussi sur H. I. Marrou : il s’agit de souligner que dans l’histoire, il y a place pour un acte de foi.

Nous voyons d’avantage la dimension critique de l’histoire, mais la question de la confiance donnée au récit d’un témoin reste posée.