Sujets et Corrigés
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''Nous présenterons quelques corrigés de devoirs, pour donner des indications de méthode. (Le but poursuivi n'est pas de s'épargner de réfléchir par soi même à la question posée.)'' | ''Nous présenterons quelques corrigés de devoirs, pour donner des indications de méthode. (Le but poursuivi n'est pas de s'épargner de réfléchir par soi même à la question posée.)'' | ||
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+ | ==La conscience est-elle la condition nécessaire de la responsabilité?== | ||
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+ | Qu'est-ce qu'être responsable ? La responsabilité revêt plusieurs sens. Nous avons à répondre de nos actes devant la société. Quand l'ordre social a été transgressé, la société cherche des coupables, elle veut faire payer une dette. La responsabilité morale est plus intérieure. Nous nous sentons responsables quand nous nous imputons à nous-mêmes certains actes, au point d'en éprouver regret ou remords. Ce second sens de la responsabilité met d'avantage en jeu la conscience. | ||
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+ | La conscience, c’est le savoir revenant sur lui-même, et prenant pour centre la personne humaine elle-même qui se met en demeure de décider et de juger « Alain ». La conscience, en tant que savoir de soi est condition de notre identité parce que grâce à elle nous nous imputons nos propres actes. Elle est aussi condition du jugement moral puisqu’elle introduit une distance réflexive entre nous et nos actes. Le « Je « peut donc répondre de ce dont-il a conscience. | ||
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+ | Ne faut-il pas se demander d'abord qui nous juge pour dire si la conscience est ou non une condition de la responsabilité ? La question se pose alors pour les actes dont je n’ai pas conscience, au moment où j’agis, et après l’action, si j’en perds la mémoire. Sont –ils vraiment les miens ? Doit-on m’en tenir pour responsable ? (Le « On renvoyant aux autres, à la société, à l’état qui me traduit en justice ? ) Vais-je moi-même m’en tenir pour m’en tenir pour moralement responsable, au point d’éprouver des regrets, voire des remords ? | ||
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+ | ===Qui me demande de rendre compte de mes actes? En premier lieu, c'est là société.=== | ||
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+ | La société me juge. Toute société défend l’ordre établi. La responsabilité correspond d’abord au fait de « payer une dette ». Il faut restituer quelque chose en échange du trouble qu’on a fait naître dans le corps social, restituer un équivalent à celui qu’on a lésé. On peut décrire dans les sociétés les plus anciennes une relation créancier- débiteur. En ce premier sens de la responsabilité, la société peut ne pas s’intéresser à la conscience qui a présidé à l’acte, aux intentions de son auteur. A-t-il agi délibérément, a-t-il été plus ou moins conscient de ce qu’il faisait : ces considérations peuvent n’être que secondaires. Seul l’acte compte. On rend responsable et on punit pour qu’il n’y ait pas contagion de la désobéissance, on ne s’intéresse pas à l’intériorité du coupable pour l’améliorer moralement. (Dans l’Ancien Régime, Michel Foucault décrit l’éclat des supplices) On peut donc très bien être tenu pour responsable d’actes commis inconsciemment, ou qu’on n’a plus dans sa mémoire. L’acte peut être solidement établi pas des témoins, devant les tribunaux humains. On sait aussi que des sociétés peuvent se contenter de rechercher des boucs – émissaires, sans aucun souci de savoir qui a commis l'acte, elles ne cherchent qu' à évacuer les passions collectives pour que la vie sociale reprenne son cours normal. | ||
+ | Il peut donc arriver que l’on soit tenu pour responsable d'actes qu'on n'a pas commis | ||
+ | Des animaux ont pu se voir imputer des crimes, et on peut dire que les sociétés les plus anciennes ne faisaient pas de la conscience une condition nécessaire de la responsabilité. Il peut donc nous sembler plus juste, ou plus moral de dépasser le jugement porté sur l’acte seul, pour en venir à un jugement qui tienne compte de la manière dont le sujet se rapporte lui-même à l’acte qu’il a commis. | ||
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+ | ===Ne doit -on pas atténuer la responsabilité dans le cas de l'inconscience ?=== | ||
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+ | Locke posait la question du somnambule ou de l’homme ivre. L’acte que ne n’ai pas commis consciemment n’appartient pas à mon identité, ce n’est pas mon acte. La punition n’a pas alors de sens moral. Le somnambule n’est pas vraiment l’auteur de ce qu’il fait lorsqu’il dort. le problème peut se poser de manière un peu différente pour l’homme ivre auquel on peut reprocher d’avoir agi délibérément lorsqu’il a commencé à boire pour ensuite seulement sombrer dans l’inconscience. Locke considérait que les tribunaux humains ne pouvait pas trancher véritablement en connaissance de cause : on peut toujours feindre l'inconscience. La responsabilité devant les tribunaux se jugeait donc pour lui sur l'acte seul. | ||
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+ | La question se pose différemment si l'on juge l'acte moralement. | ||
+ | La psychanalyse rend plus complexe l’analyse de la responsabilité morale. « « Le moi n’est pas maître dans sa propre maison » écrit Freud. Il admet que parfois nous agissons déterminés par des pulsions mal refoulées qui tendent à se manifester. Les symptômes hystériques, les phobies, le vol pathologique entrent dans ce cadre. Ce n’est dont plus au sujet au« moi » qu’on peut réellement l’imputer, mais à une partie de son psychisme sur laquelle sa volonté n’a pas de prise. L'acte est conscient, mais le sujet qui le commet n'en connait pas lui même le vrai sens.Dans nos sociétés, les tribunaux reconnaissent cette atténuation de la responsabilité : on envisagera de soigner le kleptomane, plutôt que de le mettre en prison. On discute aussi parfois de la responsabilité de celui qui a commis un acte passionnel, le passionné, étant réputé être « hors de soi ». Il faut remarquer toutefois que nos sociétés tiennent à l’ordre établi et se protègent mais elles envisagent aussi de modifier les coupables, de les réhabiliter. | ||
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+ | Faut-il s’arrêter à cette idée qu’on doit juger plus sur la conscience qui a présidé à l’acte que sur l’acte et admettre une atténuation de la responsabilité dans les cas d’inconscience ? Cela ferait donc bien de la conscience une condition nécessaire de la responsabilité. Faut -il cependant considérer la conscience comme un donné, n'est elle pas à faire ? | ||
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+ | ===N’a-t-on pas toujours le devoir de se faire conscient ?=== | ||
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+ | « Travaillons à être conscient » disait Alain La psychanalyse admet certes que le psychisme est scindé. Freud invite cependant à accroître sa connaissance de soi. Celle –ci est bien sûr indirecte, elle passe par une science, la psychanalyse, ou par autrui le psychanalyste, mais Freud n’écrit jamais qu’elle est impossible ; je suis donc toujours au moins responsable de ne pas avoir essayé de me comprendre lorsque j’éprouve que mon action m’est imposée par des forces dont j’ignore la présence en moi. | ||
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+ | Ce devoir de se connaître peut également être opposé au passionné qui affirme : « c’est plus fort que moi » (Racine fait dire à Phèdre : « c’est Vénus à sa proie attachée"). Descartes invite à comprendre le mécanisme de la passion pour mieux ruser avec elle et la contrôler : la passion n’a pas pour lui une origine inconsciente, mais elle plonge dans le passé de l’individu, et chacun peut tenter d’élucider ce lien avec le passé. | ||
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+ | On peut élargir la question en disant que même lorsque j’agis délibérément et consciemment, je ne suis pas nécessairement conscient des conséquences lointaines de mon acte. Le problème peut être celui de l’action technicienne, ou de l’action politique. Au début du XX eme siècle, on ignorait les conséquences lointaines de l’utilisation des hydrocarbures, va-t-on dire qu’on n’est pas responsable de ce dont on n’est pas conscient, ou va-t-on dire au contraire que notre devoir est d’éclairer les conséquences lointaines de nos actes ? ( Voir Jonas – Le principe de responsabilité) Nous ne sommes pas omniscients, nous sommes donc toujours peut être condamnés à agir dans une relative inconscience | ||
+ | Mais ne portons nous pas toujours la responsabilité morale de ne pas avoir tenté d'élargir le champ de notre conscience?…. |
Version du 9 novembre 2009 à 16:27
Nous présenterons quelques corrigés de devoirs, pour donner des indications de méthode. (Le but poursuivi n'est pas de s'épargner de réfléchir par soi même à la question posée.)
Sommaire |
La conscience est-elle la condition nécessaire de la responsabilité?
Introduction :
Qu'est-ce qu'être responsable ? La responsabilité revêt plusieurs sens. Nous avons à répondre de nos actes devant la société. Quand l'ordre social a été transgressé, la société cherche des coupables, elle veut faire payer une dette. La responsabilité morale est plus intérieure. Nous nous sentons responsables quand nous nous imputons à nous-mêmes certains actes, au point d'en éprouver regret ou remords. Ce second sens de la responsabilité met d'avantage en jeu la conscience.
La conscience, c’est le savoir revenant sur lui-même, et prenant pour centre la personne humaine elle-même qui se met en demeure de décider et de juger « Alain ». La conscience, en tant que savoir de soi est condition de notre identité parce que grâce à elle nous nous imputons nos propres actes. Elle est aussi condition du jugement moral puisqu’elle introduit une distance réflexive entre nous et nos actes. Le « Je « peut donc répondre de ce dont-il a conscience.
Ne faut-il pas se demander d'abord qui nous juge pour dire si la conscience est ou non une condition de la responsabilité ? La question se pose alors pour les actes dont je n’ai pas conscience, au moment où j’agis, et après l’action, si j’en perds la mémoire. Sont –ils vraiment les miens ? Doit-on m’en tenir pour responsable ? (Le « On renvoyant aux autres, à la société, à l’état qui me traduit en justice ? ) Vais-je moi-même m’en tenir pour m’en tenir pour moralement responsable, au point d’éprouver des regrets, voire des remords ?
Qui me demande de rendre compte de mes actes? En premier lieu, c'est là société.
La société me juge. Toute société défend l’ordre établi. La responsabilité correspond d’abord au fait de « payer une dette ». Il faut restituer quelque chose en échange du trouble qu’on a fait naître dans le corps social, restituer un équivalent à celui qu’on a lésé. On peut décrire dans les sociétés les plus anciennes une relation créancier- débiteur. En ce premier sens de la responsabilité, la société peut ne pas s’intéresser à la conscience qui a présidé à l’acte, aux intentions de son auteur. A-t-il agi délibérément, a-t-il été plus ou moins conscient de ce qu’il faisait : ces considérations peuvent n’être que secondaires. Seul l’acte compte. On rend responsable et on punit pour qu’il n’y ait pas contagion de la désobéissance, on ne s’intéresse pas à l’intériorité du coupable pour l’améliorer moralement. (Dans l’Ancien Régime, Michel Foucault décrit l’éclat des supplices) On peut donc très bien être tenu pour responsable d’actes commis inconsciemment, ou qu’on n’a plus dans sa mémoire. L’acte peut être solidement établi pas des témoins, devant les tribunaux humains. On sait aussi que des sociétés peuvent se contenter de rechercher des boucs – émissaires, sans aucun souci de savoir qui a commis l'acte, elles ne cherchent qu' à évacuer les passions collectives pour que la vie sociale reprenne son cours normal. Il peut donc arriver que l’on soit tenu pour responsable d'actes qu'on n'a pas commis Des animaux ont pu se voir imputer des crimes, et on peut dire que les sociétés les plus anciennes ne faisaient pas de la conscience une condition nécessaire de la responsabilité. Il peut donc nous sembler plus juste, ou plus moral de dépasser le jugement porté sur l’acte seul, pour en venir à un jugement qui tienne compte de la manière dont le sujet se rapporte lui-même à l’acte qu’il a commis.
Ne doit -on pas atténuer la responsabilité dans le cas de l'inconscience ?
Locke posait la question du somnambule ou de l’homme ivre. L’acte que ne n’ai pas commis consciemment n’appartient pas à mon identité, ce n’est pas mon acte. La punition n’a pas alors de sens moral. Le somnambule n’est pas vraiment l’auteur de ce qu’il fait lorsqu’il dort. le problème peut se poser de manière un peu différente pour l’homme ivre auquel on peut reprocher d’avoir agi délibérément lorsqu’il a commencé à boire pour ensuite seulement sombrer dans l’inconscience. Locke considérait que les tribunaux humains ne pouvait pas trancher véritablement en connaissance de cause : on peut toujours feindre l'inconscience. La responsabilité devant les tribunaux se jugeait donc pour lui sur l'acte seul.
La question se pose différemment si l'on juge l'acte moralement. La psychanalyse rend plus complexe l’analyse de la responsabilité morale. « « Le moi n’est pas maître dans sa propre maison » écrit Freud. Il admet que parfois nous agissons déterminés par des pulsions mal refoulées qui tendent à se manifester. Les symptômes hystériques, les phobies, le vol pathologique entrent dans ce cadre. Ce n’est dont plus au sujet au« moi » qu’on peut réellement l’imputer, mais à une partie de son psychisme sur laquelle sa volonté n’a pas de prise. L'acte est conscient, mais le sujet qui le commet n'en connait pas lui même le vrai sens.Dans nos sociétés, les tribunaux reconnaissent cette atténuation de la responsabilité : on envisagera de soigner le kleptomane, plutôt que de le mettre en prison. On discute aussi parfois de la responsabilité de celui qui a commis un acte passionnel, le passionné, étant réputé être « hors de soi ». Il faut remarquer toutefois que nos sociétés tiennent à l’ordre établi et se protègent mais elles envisagent aussi de modifier les coupables, de les réhabiliter.
Faut-il s’arrêter à cette idée qu’on doit juger plus sur la conscience qui a présidé à l’acte que sur l’acte et admettre une atténuation de la responsabilité dans les cas d’inconscience ? Cela ferait donc bien de la conscience une condition nécessaire de la responsabilité. Faut -il cependant considérer la conscience comme un donné, n'est elle pas à faire ?
N’a-t-on pas toujours le devoir de se faire conscient ?
« Travaillons à être conscient » disait Alain La psychanalyse admet certes que le psychisme est scindé. Freud invite cependant à accroître sa connaissance de soi. Celle –ci est bien sûr indirecte, elle passe par une science, la psychanalyse, ou par autrui le psychanalyste, mais Freud n’écrit jamais qu’elle est impossible ; je suis donc toujours au moins responsable de ne pas avoir essayé de me comprendre lorsque j’éprouve que mon action m’est imposée par des forces dont j’ignore la présence en moi.
Ce devoir de se connaître peut également être opposé au passionné qui affirme : « c’est plus fort que moi » (Racine fait dire à Phèdre : « c’est Vénus à sa proie attachée"). Descartes invite à comprendre le mécanisme de la passion pour mieux ruser avec elle et la contrôler : la passion n’a pas pour lui une origine inconsciente, mais elle plonge dans le passé de l’individu, et chacun peut tenter d’élucider ce lien avec le passé.
On peut élargir la question en disant que même lorsque j’agis délibérément et consciemment, je ne suis pas nécessairement conscient des conséquences lointaines de mon acte. Le problème peut être celui de l’action technicienne, ou de l’action politique. Au début du XX eme siècle, on ignorait les conséquences lointaines de l’utilisation des hydrocarbures, va-t-on dire qu’on n’est pas responsable de ce dont on n’est pas conscient, ou va-t-on dire au contraire que notre devoir est d’éclairer les conséquences lointaines de nos actes ? ( Voir Jonas – Le principe de responsabilité) Nous ne sommes pas omniscients, nous sommes donc toujours peut être condamnés à agir dans une relative inconscience Mais ne portons nous pas toujours la responsabilité morale de ne pas avoir tenté d'élargir le champ de notre conscience?….