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L'art des beaux arts

(Différences entre les versions)
(I QU’EST-CE QUE L’ART ? COMMENT DÉFINIR UN CONCEPT QUI VARIE ?)
(QU’EST CE QUE LE BEAU ? COMMENT LE RECONNAIT –ON ?)
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Le beau est-il l’objet d’un jugement esthétique ? Doit-on admettre que l’on reconnaît le beau à la qualité du plaisir qu’il procure ?
Le beau est-il l’objet d’un jugement esthétique ? Doit-on admettre que l’on reconnaît le beau à la qualité du plaisir qu’il procure ?
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==QU’EST CE QUE LE BEAU ? COMMENT LE RECONNAIT –ON ?==
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==Qu'estce que le beau? Comment le reconnait-on?==
La question qu'est-ce que : c'est la question de l'essence.
La question qu'est-ce que : c'est la question de l'essence.
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=== A/DIS MOI HIPPIAS, CE QUE C’EST QUE LE BEAU ?===
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=== A/Dis moi Hippias, ce que c'est que le beau?===
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===B/DE LA BEAUTÉ SENSIBLE A LA BEAUTÉ IDÉALE( cf Le Banquet de Platon)===
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===B/De la beauté sensible à la beauté idéale.( cf Le Banquet de Platon)===
Y –a t-il une essence du beau ? Platon élabore dans '''Le Banquet''' une réponse à la question de l’universalité des valeurs.
Y –a t-il une essence du beau ? Platon élabore dans '''Le Banquet''' une réponse à la question de l’universalité des valeurs.
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===C / DÉBAT AUTOUR DE LA PLACE DE L’ART DANS LE PLATONISME===
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===C /Débat autour de la place de l'art dans le platonisme ===
Platon dévalorise t-il l’art ?
Platon dévalorise t-il l’art ?

Version du 12 janvier 2009 à 17:17


Sommaire

I Qu'est ce que l'art? Comment définir un concept qui varie?

Rappel: Cour sur l’ art des techniques

Le mot art est à double sens, en français. Il désigne tout ce que produit la ruse humaine (artifice) par opposition à ce que la nature produit. (La fleur). Au sens large art signifie métier, compétence technique.

Distinguons les objets d’art des produits de la nature: (nature s’oppose à artifice)

Le galet est façonné par des forces naturelles extérieures à lui.

La cerise est le produit d’une loi de développement interne (Elle a en elle-même son principe de production).

L’objet d’art est le produit d’une cause efficiente extérieure à lui, mais consciente. Un projet donne forme à une matière. Lorsqu’on trouve un morceau de bois taillé dans un marécage, on le réfère à une intention humaine.

Si on parle de l’alvéole de l’abeille, on remarque qu’aucun projet conscient ne lui a préexisté. (Les « techniques animales sont instinctives et n’évoluent pas).

Rappel: La technique est l’occasion pour l’homme de s’objectiver dans une œuvre. Il prend conscience de lui-même et de ses aptitudes en les concrétisant dans un objet.

La technique, nous l’avons vu est un savoir faire, avant d’être un savoir. Elle est empirique tâtonnante. « La technique essaie avec les mains écrit Alain, au lieu de penser par la réflexion » On répète et on recopie les procédés d’un métier, on apprend à tailler au burin la pierre, à poser une fresque sur un mur.

A l’intérieur du champ de l’art, peut-on établir des distinctions?

Peut –on distinguer l’art des techniques, dont la fin serait l’utile, de l’art des beaux arts dont la fin serait de plaire par sa beauté ?

Par art des beaux arts, faut-il entendre les arts du génie ? C’est la définition que choisit d’en donner Kant.

L’objet technique serait un produit, façonné selon des règles transmissibles et enseignables.

L’objet d’art serait une création originale d’un individu ignorant lui-même selon quelles règles il crée et incapable de l’enseigner aux autres.

Le mot création, renvoie à l’idée de « sortir du néant » , inventer de toute pièce quelque chose qui n’a jamais existé auparavant.

Rappel de l'analyse kantienne: arts des beaux arts et art du génie.

L’art des beaux arts est-il sans règles transmissibles ou enseignables?

(Le génie, c’est l’esprit particulier qui à la naissance protège un homme, lui donne des idées originales)

Le génie: c’est un talent qui consiste à créer ce dont on ne saurait donner aucune règle déterminée. Originalité de la création: créer, c'est sortir du néant. Le génie n’imite pas. Il n’a pas pu apprendre d’après une règle quelconque. Il sort du néant une forme belle qui n'a donc jamais existé avant lui.

Il ne peut décrire lui même ou exposer scientifiquement comment il réalise ce qu’il crée.

Il ne peut communiquer aux autres ses préceptes et leur dire comment réaliser des œuvres semblables. ( § 46 Critique de la Faculté de juger)

La technique au contraire est du côté de l’imitation et de la reproduction – (L'artisan transmet des procédés de son métier.)

La science est une invention selon des règles. Ses démarches sont décrites et enseignées. Il y a une logique interne du progrès du raisonnement; un autre aurait pu faire la découverte, et celui qui l’a faite peut transmettre aux autres ses démarches. Newton rend compte des étapes intellectuelles qui l'ont conduit à formuler ses lois. Chacun est capable de les comprendre et de les parcourir à nouveau.

L’artiste crée de la beauté, mais il ne sait pas lui même comment il la crée, et il ne peut donc l’enseigner aux autres.

§47 Critique de la faculté de juger esthétique.

« Newton pouvait non seulement pour lui, mais pour tout autre, décrire clairement, et déterminer pour ses successeurs, les démarches qu’il eut à faire depuis les premiers éléments de la géométrie, jusqu’à ses grandes et profondes découvertes….Aucun Homère, aucun Wieland ne pourrait montrer comment ses idées riches en poésie et pourtant lourdes de pensée surgissent et s’assemblent dans son cerveau, car lui même ne le sait pas et ne peut l’enseigner à un autre »

Ces distinctions sont remises en question par l’art contemporain

L’objet technique peut être exposé dans un musée. (Duchamp = La Fontaine )

L’œuvre d’art est elle l’œuvre originale, par opposition au produit technique qui pourrait être reproductible ? Là encore, l’art contemporain choisit parfois le produit industriel: Warhol, " Les 180 bouteilles de Coca – Cola ".

La notion d’œuvre est, elle aussi contestée: l’art, c’est le geste créateur de l’artiste. (Duchamp, la Roue de bicyclette)

On peut faire des installations provisoires: les emballages de Cristo

La beauté comme fin est discutée. Dubuffet: personne ne sait ce qu’est le beau.

Peut-on recourir à un critère sociologique ? « Une œuvre d’art est un artefact dont un ensemble d’aspects a reçu le statut de candidat à l’appréciation par quelques uns ou quelques unes des personnes qui agissent pour le compte d’une certaine institution sociale « (Le monde de l’art » G. Dickie).

L’anecdote du passage en douane américaine de l’Oiseau dans l’espace de Brancusi est significative.

Parmi les critères retenus, il y a « œuvre originale » d’un « artiste reconnu ». On appellerait donc œuvre d’art, l’œuvre de celui que la société a reconnu comme artiste ce qui constitue un cercle.

Retenons la suggestion de Gombrich: il n’y a pas d’essence de l’art. Mieux vaut chaque fois dire: par art, j’entends... ceci ou cela. (E. GOMBRICH, V et D. ÉRIBON, Ce que l'image nous dit )



Dans ce qui suit , choisissons de nous placer dans la perspective d'une œuvre d'art animée par la recherche du beau .

Nous allons rencontrer un débat:

La beauté est elle dans l’objet, ou du coté du sujet ?

Y-a-t-il des critères objectifs du beau, qui pourraient être saisis par l’intellect ?

Le beau est-il l’objet d’un jugement esthétique ? Doit-on admettre que l’on reconnaît le beau à la qualité du plaisir qu’il procure ?

Qu'estce que le beau? Comment le reconnait-on?

La question qu'est-ce que : c'est la question de l'essence.

A/Dis moi Hippias, ce que c'est que le beau?

Rappel: La Grèce pense le monde comme un cosmos, un tout ordonné et harmonieux. La sculpture définit des canons de la beauté du corps humain: canon de Polyclète, canon de Lysippe. Un temple comme le Parthénon est beau s'il respecte une proportion géométrique, s'il est construit sur le nombre d'or ou divine proportion. La beauté est donc dans l'objet, dans la proportion ou l'harmonie des parties dont il est constitué. L'intellect peut saisir et définir arithmétiquement ces proportions. On peut dire qu'il y a des règles du beau: qui ne les respecte pas ne peut incarner la beauté dans son œuvre.


Y-a-t-il une essence de la beauté que notre intellect puisse penser? Dans Hippias Majeur, Socrate pose la question: Dis moi, Hippias « Ce que c’est que le beau ». Hippias énumère « ce qui est beau » en s’appuyant sur ce que la cité nomme beau: « Tout le monde pense ainsi » .Il propose un accord des esprits fondé seulement sur la convention sociale.Il répond par des images: la jeune fille, la cavale, ou encore il dit que le beau, c’est l’or. Socrate veut lui faire trouver les caractères communs à tous les objets beaux.

Si l’on parle de l’or, l’or doit être employé dans la statue, là où il convient.Par exemple les yeux seront en Lapis lazuli et non en or.

La beauté est convenance, et la convenance se saisit intellectuellement, on est proche de la définition recherchée, ou sur une meilleure voie.

Socrate recherche une définition universelle de la beauté faisant l’accord des esprits. Si on dit belles les jeunes filles, c’est parce qu’elles ont en commun la beauté; on doit pouvoir dégager ce qui est commun, ce qui est commun aussi à une belle jeune fille et à une belle marmite. Socrate s’oppose au conventionnalisme des sophistes. L’interrogation socratique échoue dans Hippias Majeur.


B/De la beauté sensible à la beauté idéale.( cf Le Banquet de Platon)

Y –a t-il une essence du beau ? Platon élabore dans Le Banquet une réponse à la question de l’universalité des valeurs.

Diotime (qui présente en fait la thèse de Platon) explique à Socrate qu’apprécier la beauté sensible d’un corps ne peut être qu’un point de départ. Cette beauté sensible est une beauté qui change et devient ( dans le temps ), qui change selon les lieux ( canons sociaux) Il faut par degré s’élever jusqu’à la saisie intellectuelle de l’Idée de beau, une beauté qui ne naît ni ne meurt, qui n’est plus relative à un moment ou à un lieu.

Pour bâtir un discours vrai, il faut un objet stable. L’idée est cet objet stable

Diotime invite à une purification de l’amour.

Passage essentiel 210 a: L’ascension vers l’Idée . Si la beauté est susceptible d’être saisie intellectuellement, le platonisme invite à se détourner de la beauté sensible dans un mouvement de dialectique ascendante. La beauté incarnée (dans un corps) a ce privilège d’être une voie qui nous invite à la connaissance.

De quoi manquons nous vraiment ? De vérité. Le désir amoureux qui nous tourne vers la beauté d’un corps doit se purifier et devenir amour de tous les beaux corps, c’est à dire de la proportion, de l’harmonie,. L’amour est désindividualisant. Il faut comprendre que ce qui détermine l’amour, ce n’est pas la personne aimée, mais le beau.

Le désir, ressaisi dans sa vérité est désir de fuir le sensible. La force de l’amour est de recomposer une unité perdue Elle permet de reconnaître dans le divers l’unité d’une forme . ( rappel: Le mythe d’Aristophane décrit des êtres cherchant à recomposer leur l’unité perdue.)

La deuxième étape de l' initiation consiste à tenir pour plus précieuse la beauté morale, que la beauté sensible. L’amour de la beauté des âmes s’accompagne de l’amour de la beauté des actions dont elles sont capables. Le chemin est un chemin d’abstraction grandissante. La proportion ou l’harmonie des corps se saisissent intellectuellement (canons du beau, nombre d’or). La beauté des institutions et des lois ne peut être que leur justice. Les lois justes introduisent l’ordre et l’harmonie dans la cité en mettant chacun à la place qui lui convient. L’âme juste est l’âme ordonnée, harmonieuse. (Socrate, dans l’éloge qu’en fait Alcibiade incarne cette justice de l’âme. En lui, ce qui vaut mieux, la raison, gouverne)

Par degrés, l’âme se tourne vers le monde des Idées et saisit une beauté éternelle immuable, l’Idée de beau. Elle comprend ce qu’est la connaissance. Elle contemple une réalité qui n’est pas soumise au changement « qui ne naît ni ne périt…qui ne croit ni ne décroît « (211b)

La beauté sensible n’est donc qu’une manifestation d’une autre beauté, non sensible celle-là vers laquelle l’âme est invitée à se tourner progressivement. On passe de l’amour des jeunes garçons à l’amour de la beauté en soi. (211c)

Le savoir est un mouvement. Ce qui anime ce mouvement n’est pas la raison, mais l’impulsion de l’amour

Connaître, c’est connaître l’Idée.

NB: Platon veut nous montrer que nous faisons trop confiance à nos sens. Nous croyons que le monde est comme nos sens nous disent qu’il est. Or nos sens ne peuvent nous donner que des objets divers – la beauté d’un corps ou d’une statue- ou des objets en devenir – une beauté périssable - ou encore des objets qui varient de cité en cité – une beauté définie selon la convention sociale.

Platon nous invite à comprendre, que notre âme, (ou encore notre intellect), quand elle sait résister au sensible et à la croyance qu’il engendre, peut s’élever jusqu’à une contemplation d’objets éternels, les essences. Notre intellect peut trouver la réponse à la question de l’universalité de la beauté, comme il peut la trouver à celle de l’universalité de la justice.


C /Débat autour de la place de l'art dans le platonisme

Platon dévalorise t-il l’art ?

On lit souvent cette approche réductrice du platonisme: Dans la République, ( livre X) l’art est effectivement présentée comme une imitation. L’artiste peint un lit, en bois, en métal, présent dans une chambre. Ce lit a été fabriqué par une artisan. Le lit ainsi reproduit n’est lui-même qu’une imitation périssable, grossière du seul lit réel, le lit en Idée. Le peintre peut reproduire les proportions, mais il peut aussi les changer pour faire illusion. On peut aller de la copie au simulacre.

L’art nous éloigne de ces modèles ou archétypes, les Idées vers lesquels notre intelligence doit s’élever.

Ainsi, à l’artiste, Platon préfère-t-il celui qui pratique l’art de la dialectique et qui s’exerce à tenir un discours vrai sur la réalité des idées. Les poètes, à commencer par Homère (…) ne sont que des imitateurs d’images et (…) ils n’atteignent pas la vérité » c’est à dire que leurs discours ne portent pas sur le Beau, le Bien, la justice qu’ils pourraient connaître en elles mêmes.

Que veut-on dire quand on affirme que le poète est inspiré ?

Dans l’Apologie de Socrate, Platon met dans la bouche de Socrate une critique de l’inspiration poétique: si le poète est parfois capable de dire de belles choses, il est incapable d’en rendre raison, s’il a rencontré la vérité, c’est par hasard, et cette vérité manque de fondements fermes. On peut donner une lecture plus positive de l’inspiration poétique:

Il y a dans l’artiste quelque chose de divin. Les poètes lorsqu’ils écrivent sont les véhicules du divin. « Ce n’est pas en vertu d’un art (d’une technique) qu’ils tiennent leur langage, mais grâce à un pouvoir divin » Le divin, chez Platon, c’est le monde des idées, le poète se retrouve du côté de ce monde de la vérité.(Ion)

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