Autrui
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La question d'autrui a déjà été largement abordée dans d'autres développements ( Cours sur le langage, sur la connaissance de soi, la réflexion éthique.) Le développement qui suit ne fera que reprendre en les ordonnant différents points déjà traités.
Sommaire |
Qui est autrui? L'alter ego.
Tout ce qui est extérieur à ma personne est autre que moi, parmi ces objets, il y en a un que j’appelle autrui.
Autrui renvoie à une chose du monde qui n’est pas moi. Il est « autre que moi », mais il n’est pas autre à la manière d’un animal ou qu’un objet. Il m’est « semblable, » c’est un autre moi : Alter Ego
La présence d’autrui ne renvoie pas à tel ou tel individu déterminé. Il y a autour de moi une présence de l’humanité, dans l’objet culturel, dans le champ ou la maison. Autrui est dans le monde, mais il n’y est pas comme une chose du monde, bien qu’il ait un corps matériel visible.
Comment puis-je être certain de l'existence d'autrui , l'autre conscience?
L'inter subjectivité nous paraît immédiate , nous en doutons rarement. Certaines situations peuvent être décrites cependant où l'existence d'autrui fait problème.
Le critère cartésien du langage:
Au terme de la démarche du doute méthodique,je suis certain de moi même et de ma conscience. (démarche cartésienne). Comment puis je être certain de l’existence d’autrui ?
Je ne vois que des chose matérielles, comment puis je attribuer à certaines de ces choses la propriété d’être des « ego » , des « moi » . En apparence, rien ne saurait justifier que j’attribue à une chose extérieure plus qu’une simple complication mécanique. Pour moi, autrui est une chose, un phénomène, même si j’admets qu’il est un être qui se dit « Je » à lui même.
La conscience qui doute s’est enfermée dans le solipsisme : elle a mis en doute le monde et par là même toutes les autres consciences. Elle n’a qu’une seule certitude, celle de sa propre existence comme chose qui pense.
Descartes pense qu’on peut inférer l’existence d’autrui.
Seule la parole échangée peut fonder ma certitude d’être en présence d'un autre homme et non d’une simple machine. En analysant les caractères spécifiques du langage humain nous pouvons reconnaître la présence de l’autre qui est une autre conscience, parce que nous y trouvons le témoignage de la présence d’une liberté.
« Enfin il n'y a aucune de nos actions extérieures qui puisse assurer ceux qui les examinent que notre corps n’est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure le parler des perroquets, sans exclure celui des fous qui ne laisse pas d'être à propos des propos des sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison ; et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux. »
René Descartes - Lettre au Marquis de Newcastle
Paroles ou autres signes : pour ne pas exclure le langage gestuel des sourds muets -
-A propos des sujets qui se présentent : cela suppose une inventivité, la possibilité de créer une infinité de message, alors que l’expression d’un animal ou d’une machine serait toujours stéréotypée .-Sans se rapporter à aucune passion : parce qu’elle est plus qu’une manifestation du corps. le langage humain manifeste la liberté du sujet pensant. « Et je m'étais ici particulièrement arrêté à faire voir que, s'il y avait de telles machines, qui eussent les organes et la figure d'un singe, ou de quelque autre animal sans raison, nous n'aurions aucun moyen pour reconnaître qu'elles ne seraient pas en tout de même nature que ces animaux ; au lieu que, s'il y en avait qui eussent la ressemblance de nos corps et imitassent autant nos actions que moralement il serait possible, nous aurions toujours deux moyens très certains pour reconnaître qu’ elles ne seraient point pour cela de vrais hommes.
Dont le premier est que jamais elles ne pourraient user de paroles, ni d'autres signes en les composant, comme nous faisons pour déclarer aux autres nos pensées. Car on peut bien concevoir qu'une machine soit tellement faite qu'elle profère des paroles, et même qu'elle en profère quelques unes à propos des actions corporelles qui causeront quelque changement en ses organes : comme, si on la touche en quelque endroit, qu'elle demande ce qu'on lui veut dire ; si en un autre, qu'elle crie qu'on lui fait mal, et choses semblables ; mais non pas qu'elle les arrange diversement, pour répondre au sens de tout ce qui se dira en sa présence ainsi que les hommes les plus hébétés peuvent faire. Et le second est que, bien qu'elles fissent plusieurs choses aussi bien, ou peut-être mieux qu'aucun de nous, elles manqueraient infailliblement en quelques autres, par lesquelles on découvrirait qu'elles n'agiraient pas par connaissance, mais seulement par la disposition de leurs organes. Car, au lieu que la raison est un instrument universel, qui peut servir en toutes sortes de rencontres, ces organes ont besoin de quelque particulière disposition pour chaque action particulière ; d'où vient qu'il est moralement impossible qu'il y en ait assez de divers en une machine pour la faire agir en toutes les occurrences de la vie, de même façon que notre raison nous fait agir. »
Descartes, Discours de la méthode, Vème partie
S’il existait des machines complexes, imitant un animal « qui eussent les organes et la figure d’un singe », on ne pourrait pas distinguer le vrai singe de l’automate parfait, parce que dans le vrai singe, tout se fait de manière matérielle et mécanique. Descartes pense que le corps des animaux réels n’est qu’une machine plus parfaite créée par l’ingénieur divin. Admettons qu’il existe un automate parfait de l’homme. Serait-il impossible de distinguer l’homme, automate parfait, de l’homme vrai ?
Descartes distingue deux moyens certains de faire la distinction : le langage et l’action. Aucun automate ne peut jamais répondre au sens de « tout ce qui se dira en sa présence » Aucun automate « ne peut agir en toutes les occurrences de la vie » .
L’homme a une capacité universelle à combiner des actions et des signes pour toutes les circonstances possibles, alors qu’il faut à un automate un montage particulier pour chaque circonstance. La capacité d’un automate ou d’une machine est une addition de montages ou de dispositifs particuliers. Une addition ne peut être infinie ; il pourra toujours surgir une circonstance imprévue. La raison en l’homme est cette capacité d’innover, de répondre à des situations jamais rencontrées. La présence de l’autre être pensant se manifeste à cette universalité de la raison. « La raison est un instrument universel qui peut servir en toutes sortes de rencontres » Cette universalité de la raison se manifeste également dans le langage humain, qui innove et est capable de combiner les signes à l’infini pour s’adapter à des circonstances nouvelles.
Je saisis des signes, autrui fait sens, crée du sens. Je saisis la présence vivante de la pensée qu’il exprime.
NB : Digression concernant l’animal. L’animal est sensible, capable de plaisir et de douleur. Ce n’est pas un sujet de droit : s’il n’a pas de raison et de liberté, il ne peut s’unir à d’autres hommes par les lois. Mais nous avons des devoirs indirects envers lui : ne pas faire souffrir un être sensible, car ce serait faillir à l’humanité. La pitié, exprime la communauté de sensibilité. L’animal machine est plutôt chez Descartes un modèle heuristique pour comprendre le vivant. On ne peut démontrer que l’animal a une pensée ou qu’il n’en a pas, il est au moins sensible
Critique : L’intersubjectivité n’est elle pas plus immédiate ? a t-elle besoin d’être démontrée ?
Merleau-Ponty critique la démarche cartésienne.
Ex : « le geste de morsure »
Le geste de morsure est immédiatement compris par l’enfant, il est perçu comme une possibilité inscrite dans son corps et dans le corps de l’autre. La communication avec autrui s’établit pour Merleau Ponty au niveau de la corporéité Je vois des phénomènes matériels (rougeur, froncement des sourcils) je les vois comme des indices d’une colère et d’une émotion.
La question de la pluralité des cultures : la difficile découverte de l'autre
« Le barbare, c’est celui qui croit à la barbarie » Lévi - Strauss - Race et Histoire.
(Cours sur Nature et liberté)
Sujet de disertation: "Qu'est- ce qu'être inhumain? "
Quand il s'agit de l’autre comme étranger, de celui qui appartient à une aire culturelle différente de la nôtre, on adopte souvent une attitude de rejet systématique (ce que Lévi-Strauss appelle « ethnocentrisme ). L’ ethnologue se pose le problème du rapport entre les dits « civilisés" et ceux qu'on appelle « sauvages ». Lévi-Strauss s'attache à définir un mécanisme psychologique archaïque, présent en chacun de nous, même d’ une manière simplement virtuelle : le rejet systématique de ce qui nous semble trop éloigné de nos habitudes culturelles. On préfère parler d’absence de culture, en renvoyant l’autre dans l’animalité plutôt que de diversité des cultures. L’autre, c’est ce qui n’existe pas vraiment.
« L'attitude la plus ancienne, et qui repose sans doute sur des éléments psychologiques solides puisqu'elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans situation inattendue, consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles : morales sociales, religieuses, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. « Habitudes de sauvages », « cela n’est pas de chez nous », « on ne devrait pas permettre cela », etc., autant de réactions grossières qui traduisent ce même frisson, cette même répulsion, en présence de manières de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères. (....)
Cette attitude de pensée, au nom de laquelle on rejette les « sauvages » (ou tous ceux qu'on choisit de considérer comme tels) hors de l'humanité, est justement l'attitude la plus marquante et la plus distinctive de ces sauvages mêmes. On sait, en effet, que la notion d'humanité, englobant, sans distinction de race ou de civilisation, toutes les formes de l'espèce humaine, est d'apparition fort tardive et d'expansion limitée. »
Claude LÉVI-STRAUSS, Race et Histoire (1952)
L’idée d’une humanité qui transcenderait les différences culturelles est l’idée la plus difficile à conquérir. C’est aussi une idée fragile, susceptible de régression : la deuxième guerre mondiale l’ a montré
La nature humaine ne peut être appréhendée dans un ailleurs quelconque : il faut penser la diversité des cultures. (Rappel)
La tentation est grande de rechercher la présence de la nature en l’homme, de la voir incarnée par un groupe humain quelconque. La culture, les mœurs sont pensées comme un produit de l’arbitraire et de la convention. ( la loi des sophistes) ayant le plus souvent étouffé la nature.
On recherche la nature en l’homme, et elle est alors conçue comme mesure et harmonie spontanées. Les désirs des hommes sont censés s’accorder de manière heureuse. Diderot, avec une certaine naïveté décrit dans les « Suppléments aux voyages de Bougainville » les mœurs tahitiennes, en lesquelles parle la voie de la nature, et qu’il oppose aux artifices répressifs des Occidentaux. ( communauté des terres, liberté sexuelle etc. …)
Il est important de reconnaître la diversité des cultures pour ne pas céder à cette illusion. NB : Il faut comprendre aussi qu’on ne saurait tirer de la nature humaine une norme ou un modèle. L’être de l’homme ( sa nature, même si nous étions capables de la découvrir ), ne nous indiquera jamais rien sur son devoir être.