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L'art des beaux arts

Version du 22 mars 2010 à 16:56 par Amb (Discuter | Contributions)

Sommaire

I Qu'est ce que l'art? Comment définir un concept qui varie?

Rappel : Cours sur l’ art des techniques Le mot art est à double sens, en français. Il désigne tout ce que produit la ruse humaine (artifice) par opposition à ce que la nature produit. (La fleur). Au sens large art signifie métier, compétence technique.

Distinguons les objets d’art des produits de la nature : (Nature s’oppose à artifice)

Le galet est façonné par des forces naturelles extérieures à lui.

La cerise est le produit d’une loi de développement interne (Elle a en elle-même son principe de production).

L’objet d’art est le produit d’une cause efficiente extérieure à lui, mais consciente. Un projet donne forme à une matière. Lorsqu’on trouve un morceau de bois taillé dans un marécage, on le réfère à une intention humaine.

Si on parle de l’alvéole de l’abeille, on remarque qu’aucun projet conscient ne lui a préexisté. (Les « techniques" animales sont instinctives et n’évoluent pas).

Rappel : La technique est l’occasion pour l’homme de s’objectiver dans une œuvre. Il prend conscience de lui-même et de ses aptitudes en les concrétisant dans un objet. "L'homme agit ainsi, de par sa liberté, pour ôter au monde extérieur son caractère farouchement étranger" écrit Hegel dans son " Esthétique" Et il ajoute : " Ce besoin de modifier les choses extérieures est déjà inscrit dans les premiers penchants de l'enfant ; le petit garçon qui jette des pierres dans le torrent et admire les ronds qui se forment dans l'eau, admire en fait une œuvre où il bénéficie du spectacle de sa propre activité".

La technique, nous l’avons vu est un savoir faire, avant d’être un savoir. Elle est empirique tâtonnante. « La technique essaie avec les mains écrit Alain, au lieu de penser par la réflexion » On répète et on recopie les procédés d’un métier, on apprend à tailler au burin la pierre, à poser une fresque sur un mur.


A l’intérieur du champ de l’art, peut-on établir des distinctions?

Peut –on distinguer l’art des techniques, dont la fin serait l’utile, de l’art des beaux arts dont la fin serait de plaire par sa beauté ?

Par art des beaux arts, faut-il entendre les arts du génie ? C’est la définition que choisit d’en donner Kant.

L’objet technique serait un produit, façonné selon des règles transmissibles et enseignables.

L’objet d’art serait une création originale d’un individu ignorant lui-même selon quelles règles il crée et incapable de l’enseigner aux autres.

Le mot création, renvoie à l’idée de « sortir du néant » , inventer de toute pièce quelque chose qui n’a jamais existé auparavant.


Rappel de l'analyse kantienne: arts des beaux arts et art du génie.

L’art des beaux arts est-il sans règles transmissibles ou enseignables?

(Le génie, c’est l’esprit particulier qui à la naissance protège un homme, lui donne des idées originales)

Le génie: c’est un talent qui consiste à créer ce dont on ne saurait donner aucune règle déterminée. Originalité de la création: créer, c'est sortir du néant. Le génie n’imite pas. Il n’a pas pu apprendre d’après une règle quelconque. Il sort du néant une forme belle qui n'a donc jamais existé avant lui.

Il ne peut décrire lui même ou exposer scientifiquement comment il réalise ce qu’il crée.

Il ne peut communiquer aux autres ses préceptes et leur dire comment réaliser des œuvres semblables. ( § 46 Critique de la Faculté de juger)

La technique au contraire est du côté de l’imitation et de la reproduction – (L'artisan transmet des procédés de son métier.)

La science est une invention selon des règles. Ses démarches sont décrites et enseignées. Il y a une logique interne du progrès du raisonnement; un autre aurait pu faire la découverte, et celui qui l’a faite peut transmettre aux autres ses démarches. Newton rend compte des étapes intellectuelles qui l'ont conduit à formuler ses lois. Chacun est capable de les comprendre et de les parcourir à nouveau.

L’artiste crée de la beauté, mais il ne sait pas lui même comment il la crée, et il ne peut donc l’enseigner aux autres.

§47 Critique de la faculté de juger esthétique.

« Newton pouvait non seulement pour lui, mais pour tout autre, décrire clairement, et déterminer pour ses successeurs, les démarches qu’il eut à faire depuis les premiers éléments de la géométrie, jusqu’à ses grandes et profondes découvertes….Aucun Homère, aucun Wieland ne pourrait montrer comment ses idées riches en poésie et pourtant lourdes de pensée surgissent et s’assemblent dans son cerveau, car lui même ne le sait pas et ne peut l’enseigner à un autre »



Ces distinctions sont remises en question par l’art contemporain

L’objet technique peut être exposé dans un musée. (Duchamp = La Fontaine )

L’œuvre d’art est elle l’œuvre originale, par opposition au produit technique qui pourrait être reproductible ? Là encore, l’art contemporain choisit parfois le produit industriel: Warhol, " Les 180 bouteilles de Coca – Cola ".

La notion d’œuvre est, elle aussi contestée: l’art, c’est le geste créateur de l’artiste. (Duchamp, la Roue de bicyclette)

On peut faire des installations provisoires: les emballages de Cristo

La beauté comme fin est discutée. Dubuffet:" Personne ne sait ce qu’est le beau."

Peut-on recourir à un critère sociologique ? « Une œuvre d’art est un artefact dont un ensemble d’aspects a reçu le statut de candidat à l’appréciation par quelques uns ou quelques unes des personnes qui agissent pour le compte d’une certaine institution sociale" (Le monde de l’art G. Dickie).

L’anecdote du passage en douane américaine de l’Oiseau dans l’espace de Brancusi est significative.

Parmi les critères retenus, il y a « œuvre originale » d’un « artiste reconnu ». On appellerait donc œuvre d’art, l’œuvre de celui que la société a reconnu comme artiste ce qui constitue un cercle.

Retenons la suggestion de Gombrich: il n’y a pas d’essence de l’art. Mieux vaut chaque fois dire: par art, j’entends... ceci ou cela. (E. GOMBRICH, V et D. ÉRIBON, Ce que l'image nous dit )

Dans ce qui suit, choisissons de nous placer dans la perspective d'une œuvre d'art animée par la recherche du beau.

Nous allons rencontrer un débat:

La beauté est elle dans l’objet, ou du coté du sujet ?

Y-a-t-il des critères objectifs du beau, qui pourraient être saisis par l’intellect ?

Le beau est-il l’objet d’un jugement esthétique ? Doit-on admettre que l’on reconnaît le beau à la qualité du plaisir qu’il procure ?



Qu'est ce que le beau? Comment le reconnait-on?

La question qu'est-ce que : c'est la question de l'essence.




Dis moi Hippias, ce que c'est que le beau?

Rappel: La Grèce pense le monde comme un cosmos, un tout ordonné et harmonieux. La sculpture définit des canons de la beauté du corps humain: canon de Polyclète, canon de Lysippe. Un temple comme le Parthénon est beau s'il respecte une proportion géométrique, s'il est construit sur le nombre d'or ou divine proportion. La beauté est donc dans l'objet, dans la proportion ou l'harmonie des parties dont il est constitué. L'intellect peut saisir et définir arithmétiquement ces proportions. On peut dire qu'il y a des règles du beau: qui ne les respecte pas ne peut incarner la beauté dans son œuvre.

Y-a-t-il une essence de la beauté que notre intellect puisse penser? Dans Hippias Majeur, Socrate pose la question: Dis moi, Hippias « Ce que c’est que le beau ». Hippias énumère « ce qui est beau » en s’appuyant sur ce que la cité nomme beau: « Tout le monde pense ainsi » .Il propose un accord des esprits fondé seulement sur la convention sociale. Il répond par des images: la jeune fille, la cavale, ou encore il dit que le beau, c’est l’or. Socrate veut lui faire trouver les caractères communs à tous les objets beaux.

Si l’on parle de l’or, l’or doit être employé dans la statue, là où il convient. Par exemple les yeux seront en Lapis lazuli et non en or.

La beauté est convenance, et la convenance se saisit intellectuellement, on est proche de la définition recherchée, ou sur une meilleure voie.

Socrate recherche une définition universelle de la beauté faisant l’accord des esprits. Si on dit belles les jeunes filles, c’est parce qu’elles ont en commun la beauté; on doit pouvoir dégager ce qui est commun, ce qui est commun aussi à une belle jeune fille et à une belle marmite. Socrate s’oppose au conventionnalisme des sophistes. L’interrogation socratique échoue dans Hippias Majeur.

De la beauté sensible à la beauté idéale. ( cf Le Banquet de Platon)

Y –a t-il une essence du beau ? Platon élabore dans Le Banquet une réponse à la question de l’universalité des valeurs.

Diotime (qui présente en fait la thèse de Platon) explique à Socrate qu’apprécier la beauté sensible d’un corps ne peut être qu’un point de départ. Cette beauté sensible est une beauté qui change et devient ( dans le temps ), qui change selon les lieux ( canons sociaux) Il faut par degré s’élever jusqu’à la saisie intellectuelle de l’Idée de beau, une beauté qui ne naît ni ne meurt, qui n’est plus relative à un moment ou à un lieu.

Pour bâtir un discours vrai, il faut un objet stable. L’idée est cet objet stable

Diotime invite à une purification de l’amour.

Passage essentiel 210 a: L’ascension vers l’Idée. Si la beauté est susceptible d’être saisie intellectuellement, le platonisme invite à se détourner de la beauté sensible dans un mouvement de dialectique ascendante. La beauté incarnée (dans un corps) a ce privilège d’être une voie qui nous invite à la connaissance.

De quoi manquons nous vraiment ? De vérité. Le désir amoureux qui nous tourne vers la beauté d’un corps doit se purifier et devenir amour de tous les beaux corps, c’est à dire de la proportion, de l’harmonie,. L’amour est désindividualisant. Il faut comprendre que ce qui détermine l’amour, ce n’est pas la personne aimée, mais le beau.

Le désir, ressaisi dans sa vérité est désir de fuir le sensible. La force de l’amour est de recomposer une unité perdue Elle permet de reconnaître dans le divers l’unité d’une forme . ( rappel: Le mythe d’Aristophane décrit des êtres cherchant à recomposer leur l’unité perdue.)

La deuxième étape de l' initiation consiste à tenir pour plus précieuse la beauté morale, que la beauté sensible. L’amour de la beauté des âmes s’accompagne de l’amour de la beauté des actions dont elles sont capables. Le chemin est un chemin d’abstraction grandissante. La proportion ou l’harmonie des corps se saisissent intellectuellement (canons du beau, nombre d’or). La beauté des institutions et des lois ne peut être que leur justice. Les lois justes introduisent l’ordre et l’harmonie dans la cité en mettant chacun à la place qui lui convient. L’âme juste est l’âme ordonnée, harmonieuse. (Socrate, dans l’éloge qu’en fait Alcibiade incarne cette justice de l’âme. En lui, ce qui vaut mieux, la raison, gouverne)

Par degrés, l’âme se tourne vers le monde des Idées et saisit une beauté éternelle immuable, l’Idée de beau. Elle comprend ce qu’est la connaissance. Elle contemple une réalité qui n’est pas soumise au changement « qui ne naît ni ne périt…qui ne croit ni ne décroît « (211b)

La beauté sensible n’est donc qu’une manifestation d’une autre beauté, non sensible celle-là vers laquelle l’âme est invitée à se tourner progressivement. On passe de l’amour des jeunes garçons à l’amour de la beauté en soi. (211c)

Le savoir est un mouvement. Ce qui anime ce mouvement n’est pas la raison, mais l’impulsion de l’amour

Connaître, c’est connaître l’Idée.

NB: Platon veut nous montrer que nous faisons trop confiance à nos sens. Nous croyons que le monde est comme nos sens nous disent qu’il est. Or nos sens ne peuvent nous donner que des objets divers – la beauté d’un corps ou d’une statue- ou des objets en devenir – une beauté périssable - ou encore des objets qui varient de cité en cité – une beauté définie selon la convention sociale.

Platon nous invite à comprendre, que notre âme, (ou encore notre intellect), quand elle sait résister au sensible et à la croyance qu’il engendre, peut s’élever jusqu’à une contemplation d’objets éternels, les essences. Notre intellect peut trouver la réponse à la question de l’universalité de la beauté, comme il peut la trouver à celle de l’universalité de la justice.

Débat autour de la place de l'art dans le platonisme

Platon dévalorise t-il l’art ?

On lit souvent cette approche réductrice du platonisme: Dans la République, ( livre X) l’art est effectivement présentée comme une imitation. L’artiste peint un lit, en bois, en métal, présent dans une chambre. Ce lit a été fabriqué par une artisan. Le lit ainsi reproduit n’est lui-même qu’une imitation périssable, grossière du seul lit réel, le lit en Idée. Le peintre peut reproduire les proportions, mais il peut aussi les changer pour faire illusion. On peut aller de la copie au simulacre.

L’art nous éloigne de ces modèles ou archétypes, les Idées vers lesquels notre intelligence doit s’élever.

Ainsi, à l’artiste, Platon préfère-t-il celui qui pratique l’art de la dialectique et qui s’exerce à tenir un discours vrai sur la réalité des idées. Les poètes, à commencer par Homère (…) ne sont que des imitateurs d’images et (…) ils n’atteignent pas la vérité » c’est à dire que leurs discours ne portent pas sur le Beau, le Bien, la justice qu’ils pourraient connaître en elles mêmes.

Que veut-on dire quand on affirme que le poète est inspiré ?

Dans l’Apologie de Socrate, Platon met dans la bouche de Socrate une critique de l’inspiration poétique: si le poète est parfois capable de dire de belles choses, il est incapable d’en rendre raison, s’il a rencontré la vérité, c’est par hasard, et cette vérité manque de fondements fermes. On peut donner une lecture plus positive de l’inspiration poétique:

Il y a dans l’artiste quelque chose de divin. Les poètes lorsqu’ils écrivent sont les véhicules du divin. « Ce n’est pas en vertu d’un art (d’une technique) qu’ils tiennent leur langage, mais grâce à un pouvoir divin » Le divin, chez Platon, c’est le monde des idées, le poète se retrouve du côté de ce monde de la vérité.(Ion)

Ne peut-on pas donner une valeur plus positive à l'imitation?

« Imiter, écrit Aristote dans « La poétique » est dès leur enfance une tendance naturelle aux hommes et ils se différencient des autres animaux en ce qu’ils sont des êtres fort enclins à imiter » Ils ont aussi une tendance commune à « prendre plaisir aux représentations ». (1448b Poétique)

De cette disposition naturelle aux hommes, Aristote fait naître l’œuvre d’art, qui est donc imitation de la réalité ou imitation de la nature. Le plaisir que nous prenons à contempler une œuvre d’art est lié à la conformité entre l’image et son modèle. « Nous prenons plaisir à contempler des images les plus exactes des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité comme les formes d’animaux les plus méprisés et des cadavres » (Poétique 1448b) Le théâtre mime les dispositions de l’âme, les passions humaines par le geste, la danse, la récitation ; la peinture imite les objets et les animaux qui entourent les hommes. La tragédie, dit Aristote, imite les belles actions, alors que la comédie imite plutôt les actions des hommes bas. « La tragédie consiste en la représentation d’une action menée jusqu’à son terme, qui forme un tout et a une certaine étendue ; » (50b23-25)

La mimésis est cependant chez Aristote tout le contraire d’un décalque du réel. La transposition dans des œuvres représentatives a un sens actif et dynamique. La poétique, c’est l’art de composer des intrigues, de produire un agencement de faits par la mise en intrigue. (Il faut prendre poétique au sens fort de production.)

Le mot mimésis imitation ou représentation renvoie à un processus actif l’agencement des faits.

« La tragédie est la représentation d’une action noble menée jusqu’à son terme et ayant une certaine étendue » ChapVI 49b 24-28. « C’est l’intrigue qui est la représentation de l’action".

La Poétique d’Aristote est ainsi une réplique au livre X de la république : la poésie est une activité et une activité qui enseigne.

Il s’agit de représenter une action. L’action est plus importante que les caractères. La tragédie représente les hommes en mieux, la comédie en pire. Il s’agit d’un «  faire », mais non d’un faire effectif, c’est un « faire inventé ». Aristote prend bien soin d’opposer ce qui a lieu réellement et ce qui a lieu dans l’ordre du vraisemblable et du nécessaire.

L’activité mimétique n’est pas le décalque d’un réel préexistant. Il s’agit d’imitation créatrice.

Cette conception de l’art est encore adoptée par de grands artistes plus proches de nous mais on peut s’interroger sur l’équivoque que contient toujours la notion d’imitation.. Léonard de Vinci, dans son « Traité de la peinture » écrit : «  La peinture la plus louable est celle qui est conforme à l’objet imité, et elle doit représenter, pour les sens, avec vérité et exactitude, les œuvres de la nature ». Rodin dit encore que le sculpteur doit « copier ce qu’il voit »



La beauté n'est elle pas plutôt une affaire de sentiment ? L'expérience esthétique

Dire que le beau est l’objet d’un jugement esthétique, c’est dire que la beauté s’apprécie par le biais des sens et non de la raison, c’est affirmer que nous reconnaissons le beau à la qualité du plaisir qu’il procure.

La tentation du scepticisme.

Dans son ouvrage De la Norme du goût Hume décrit bien les difficultés inhérentes à l'expérience esthétique. Dans le domaine de " opinions", on peut séparer le vrai du faux , par un renvoi à la réalité. Si le beau est affaire de sentiment, chacun peut décrire son expérience, et aucun sentiment n'est plus vrai qu'un autre; " "Tout sentiment est juste, parce que le sentiment ne renvoie à rien au delà de lui même". Le sens commun et la philosophie sceptique se rejoignent alors pour dire : " A chacun son goût". " La beauté n'est pas une qualité inhérente aux choses elles mêmes , elle existe seulement dans l'esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente" Faut-il en rester à ce relativisme, relativisme qui s'étendrait au goût du palais, aussi bien qu' au goût, plus intellectuel, selon le vocabulaire de Hume, en matière de beauté? Aucun individu, ne pourrait alors prétendre règler le goût des autres.

Le titre même " De la norme du goût" montre que Hume croit en l'existence de critères permettant de trancher entre différents jugements. " Au milieu de la variété et du caprice du goût, il y a certains principes généraux d'approbation" . Hume invoque d'une part une nature humaine, une communauté de nature qui pourrait rendre compte de la proximité des goûts.Mais surtout, il reconnait l'existence d'un prescripteur en matière de goût. L'"homme de goût", a d'une part une sensibilité plus aigüe que les autres , et d'autre part, il a exercé son goût au moyen de la fréquentation de nombreuses œuvres d'art.Il fixe la norme du goût. N'y a-t-il pas alors, selon Hume, une élite cultivée qui règle le goût des autres ?


La description kantienne des caractères du jugement esthétique.

(Rappel de ce qui a été vu plus haut.)

Les arts des beaux-arts comme arts du génie

L’art des beaux arts est sans règles transmissibles ou enseignables ? Kant invite à faire la distinction entre art des techniques et art des beaux arts.

(Le génie, c’est l’esprit particulier qui à la naissance protège un homme, lui donne des idées originales)

Le propre du génie est d’inventer de manière originale de nouvelles formes de beauté.

Cette aptitude n’a pas été reçue d’autrui. On n’apprend pas des règles enseignables : pour traduire ce fait, Kant parle en termes de don.

Le génie reçoit directement de la nature cette aptitude à créer du beau : le beau est sans règles.

CF §47 Critique de la faculté de juger esthétique.

« Newton pouvait non seulement pour lui, mais pour tout autre, décrire clairement, et déterminer pour ses successeurs, les démarches qu’il eut à faire depuis les premiers éléments de la géométrie, jusqu’à ses grandes et profondes découvertes….Aucun Homère, aucun Wieland ne pourrait montrer comment ses idées riches en poésie et pourtant lourdes de pensée surgissent et s’assemblent dans son cerveau, car lui même ne le sait pas et ne peut l’enseigner à un autre »

De cette théorie du génie suit une conséquence :

Il n’y a pas de science du beau, capable de définir l’idée de beau, il n’existe pas de règles universelles permettant d’en juger. Le beau n’est pas une propriété objective des choses, mais l’objet d’un jugement de goût. Le goût, c’est la faculté de discerner le beau. Les œuvres d’art sont consacrées comme belles par un jugement d’une espèce particulière. On ne juge pas du beau par ce qu’est l’objet en soi, mais seulement par la qualité du plaisir qui est éprouvé.

Ne faut-il pas distinguer l’agréable du beau ?

Peut –on analyser l’originalité du jugement de goût en le situant par rapport à d’autres jugements : c’est agréable, c’est bon (moralement), c’est vrai. Le jugement de goût parait subjectif : c’est ma sensibilité qui est affectée par l’objet. Ce sentiment éprouvé subjectivement n’est il pas susceptible d’universalité ? N’a-t-il pas une aptitude à se communiquer ? Dira-t-on : c’est beau pour moi, comme on dit cela m’est agréable ?

Kant admet la relativité du jugement " Cela m'est agréable" , mais refuse d'accorder la même relativité au jugement " C'est beau"

Est beau ce qui est l’objet d’une satisfaction désintéressée.

Dans le plaisir des sens, (agréable) le sujet est intéressé à l’existence de l’objet, puisque l’objet éveille le désir de son appropriation, de sa consommation pour continuer ou renouveler sa satisfaction.

La chose s’impose à moi comme un objet d’inclination ; ma nature sensible trouve un intérêt à l’existence de l’objet, parce qu’elle lui procure une satisfaction et qu’elle le désire. L’agréable a un lien avec la faculté de désirer. Dans l’expérience du beau, il n’y a pas de calcul concernant une jouissance possible ou un avantage à venir. Quand on me demande si une chose est belle, on me demande de faire abstraction de l’intérêt que je porte à l’existence de l’objet. S’agissant de la beauté d’un palais (§2) Je peux dire que si j’étais dans une île déserte, je ne l’y transporterais pas, me contentant d’une masure. Lorsque je juge de la beauté, je me sens indépendant de l’existence de l’objet.

Bourdieu introduit une critique de cette analyse kantienne: la définition du goût est fondée sur le « dégoût », de toute jouissance immédiate, non distanciée, vulgaire .( Une culture d’élite s'oppose à la culture populaire.)

Est beau ce qui est représenté sans concept comme objet d’une satisfaction universelle.

Le jugement de goût est il purement relatif à l’individu ? N’y a t- il pas un accord possible entre les hommes ? Si le jugement de beau met hors circuit l’inclination personnelle singulière, il est désintéressé. Il peut être le jugement de tout un chacun. Je juge « comme si » le beau était une propriété de la chose. Je juge que mon sentiment, loin d’être un sentiment personnel peut être le sentiment de tous. Je ne dispose d’aucun concept pour imposer mes raisons, mais cependant, j’impute cette adhésion à chacun et j’attends confirmation de l’accord d’autrui.

Lorsque je dis : « c’est beau », est-ce l’expérience qui me pousse à dire cela ? Vais-je formuler ce jugement parce que d’autres l’ont formulé avant moi ? Kant répond négativement « Loin de compter sur leur adhésion parce qu’il a constaté que leur jugement s’accordait avec le sien » §7 ( Ici, Kant critique également la position empiriste de Hume ) Hume veut constater que certaines œuvres d’art plaisent et ont toujours plu.)

Pour Kant, le jugement esthétique n'est pas issu de l'expérience, il n'est pas cultivé, mais spontané.

Idée d’un sens commun esthétique

L’expérience esthétique est peut être la seule expérience intersubjective où l’homme comme être à la fois sensible et raisonnable communique directement avec autrui. Le beau est pour Kant le symbole de la moralité .Idée d’un sens commun esthétique.

Le plaisir esthétique est le plaisir éprouvé au jeu libre de mes facultés (intuition, entendement)

« L’opération harmonieuse de deux facultés de connaître en leur liberté ».

« Ce plaisir doit nécessairement reposer en chacun sur les mêmes conditions …. Et on doit les supposer en chacun « (§39)

« Celui qui juge avec goût peut attribuer la satisfaction provenant de l’objet à tout autre homme, et admettre que son sentiment est communicable universellement sans concept. » (Critique de la Faculté de Juger)

Critiques de la thèse kantienne

Lignes directrices d'une critique:

On peut critiquer le " désintéressement dans l'art"

Analyse freudienne de l’œuvre d’art

L’art est la sublimation des fantasmes de l’artiste .Freud retrouve la thèse d'Aristote . L'ouevre d'"art a une fonction cathartique.


On peut avancer que le jugement esthétique est plutôt cultivé.

Le goût n’est-il pas forgé par le milieu social auquel on appartient ?

Approche sociologique du jugement de goût

Le paradoxe décrit par Marx

L'aspect culturel du goût. Bourdieu : La distinction