Discours sur la Première Décade de Tite Live
Discours sur la Première Décade de Tite Live de Machiavel. I - IX
« Qu'un fondateur de république, comme Romulus, mette à mort son frère, qu'il consente ensuite au meurtre de Titus Tatius, associé par lui à la royauté ; ces deux traits, aux yeux de bien des gens passeront pour être d'un mauvais exemple : il semblerait convenu que les citoyens peuvent, à en juger d'après la conduite de _leur prince, par ambition ou désir de commander, se défaire de leurs rivaux. Cette opinion serait fondée si l'on ne considérait la fin que se proposait Romulus par cet homicide. Il faut établir comme règle générale que jamais, ou bien rarement du moins, on n'a vu une république ni une monarchie être bien constituée dès l'origine, ou totalement réformées depuis, si ce n'est par un seul individu ; il lui est même nécessaire que celui qui a conçu le plan fournisse lui seul les moyens d'exécution. Ainsi, un habile législateur qui entend servir l'intérêt commun et celui de la patrie plutôt que le sien propre et celui de ses héritiers, doit employer toute son industrie pour attirer à soi tout le pouvoir. Un esprit sage ne condamnera jamais quelqu'un pour avoir usé d'un moyen hors des règles ordinaires pour régler une monarchie ou fonder une république. Ce qui est à désirer, c'est que, si le fait l'accuse, le résultat l'excuse ; si le résultat est bon, il est acquitté ; tel est le cas de Romulus. "
Introduction
Machiavel propose dans ce texte une réflexion sur les moyens de l'action politique. Il constate qu'on juge le fondateur d'état au résultat qu'il obtient et qu'on admet l'immoralité ou la violence des moyens employés. La lecture que Machiavel fait de l'histoire soulève donc le problème de l'efficacité des moyens de l'action politique. Pourquoi les moyens les plus efficaces seraient – ils les moyens que la morale commune condamne ? Mais que vaut un état né dans la violence ? Ne portera-t-il pas toujours la marque de l'immoralité de ses origines ? La réflexion de Machiavel a-t-elle une valeur générale ou bien est-elle propre à son époque ?
Analyse
Elle se laisse guider par la structure du raisonnement de l'auteur.
Machiavel, pour mener cette réflexion s'appuie sur un exemple. Il s'agit d'avantage d'un exemple mythique que d'un exemple historique, puisqu'il s'agit de la fondation de Rome. Deux lectures de l'exemple sont possibles. La morale commune condamne le crime de Romulus. Les politiques ont valeur d'exemple : si chacun s'autorisait du comportement de Romulus pour tuer, la vie en société ne serait plus possible. « Au yeux de bien des gens » Romulus est coupable. Machiavel annonce qu'il va juger d'un autre point de vue : « Cette opinion serait fondée si » Il prend le contre pied de l'opinion commune : le fondateur d'état doit pouvoir s'excepter des règles qui valent pour le commun des mortels. Il faut considérer le but qu'il poursuivait et l'efficacité de son acte par rapport à cette fin.