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L'art des Techniques

Version du 29 juillet 2009 à 17:20 par Amb (Discuter | Contributions)
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L'art des Techniques-La Mise en Oeuvre des Techniques-Le Travail

Introduction -Problématique

Le monde du travail est entièrement constitué de techniques : outils machines. Les techniques sont les moyens du travail. Hannah Arendt souligne la pérennité de la technique, alors que le travail est une activité récurrente.

On appelle travail toute activité utilitaire de transformation de la nature en vue de satisfaire un besoin humain. Nous travaillons parce que nous avons des besoins vitaux, donc sous la pression de la nécessité.

Le travail s’oppose au rêve, au jeu, à la guerre, à toute activité gratuite. Les besoins vitaux sont le signe de notre communauté avec les autres êtres vivants. Le besoin est un manque, mais c’est d’abord la survie du corps qui définit ce manque. Que peut-il y avoir de noble dans le travail s’il marque notre soumission à la nécessité ? La liberté ne consiste-t-elle pas à s’émanciper du travail ?


Pour les uns, l’homme est libre quand il ne travaille pas, pour les autres, le travail lui-même est libération.

Notre culture véhicule des valorisations contradictoires du travail. Les anciens (grecs) « jugeaient qu’il fallait avoir des esclaves à cause de la nature servile de toutes les occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie » (H. Arendt) ( Voir document ci- dessous)


Le christianisme y voit une punition (mais aussi la possibilité d’une expiation et d’un rachat). Les ordres monastiques hésitent entre la valorisation de la prière et la valorisation du travail. Faisons une place particulière au puritanisme à la lumière du texte de Weber : « Ethique Protestante et esprit du capitalisme » Luther fait du travail une vocation. Les calvinistes introduisent l’idée de prédestination et la préoccupation de l’élection. Dans le puritanisme) croire à la prédestination conduit à considérer le travail comme une vocation. Se retirer dans un couvent pour prier n'est pas valorisé. Par contre, chacun recherche les signes de son élection. Que le travail porte des fruits constitue ce signe. On s'enrichit, mais pas pour jouir des fruits de son travail et gaspiller. Le travail est vécu comme une ascèse, l'argent est accumulé. Max Weber montre donc qu'une éthique religieuse a pu induire un comportement d'accumulation capitaliste.


La bourgeoisie du XVIIIème réintroduit la valorisation du travail : on ne se définit plus par son sang, mais par ses œuvres. Elle se développe chez Kant, Hegel, puis Marx.

Faut-il rapporter ces contradictions à l’essence du travail ? Faut-il tenir compte des conditions historiques dans lesquelles le travail s’effectue? (conditions au rang desquelles il faut mettre le développement moderne des techniques.)


La réflexion sur le travail est toujours marquée historiquement. Il est difficile de parler du travail « abstraitement », c'est-à-dire d’en construire un concept en le coupant d’un contexte historique et social dans lequel il s’effectue.


NB : C’est surtout Marx qui élabore cette notion de travail, considérée en général. Dans l’Antiquité grecque, par exemple, il n’y a pas de mot équivalent. On dit que l’esclave « peine », que l’artisan « produit »


Tout travail est il servile? Le travail ne marque -t-il pas notre dépendance par rapport aux besoins?

Le besoin marque la dépendance de l’homme envers la nécessité naturelle et envers son corps. Cette dimension a été jugée avilissante par les grecs. Le sage n’est il pas celui qui sait se rendre indépendant de la nécessité naturelle en limitant le plus possible ses besoins ? Diogène le Cynique casse son écuelle lorsqu’il voit un enfant boire dans ses mains. La nature est pénurique, il faut travailler, mais on peut dire aussi que nos besoins insatiables rendent la nature pénurique et nous contraignent à travailler. Epicure remarquait que la nature a fait les besoins nécessaires et naturels aisés à satisfaire.Rousseau rappelle après lui que tout homme qui ne voudrait « que vivre », vivrait heureux. Le bonheur de l’homme naturel dont Rousseau forme l’hypothèse est de cette sorte. Par contre la société naissante et les passions qu’elle engendre développent l’imagination et créent de nouveaux besoins que l’homme ne sait plus satisfaire seul. Rousseau nomme fantaisies tous les désirs qui ne sont pas de vrais besoins et qu’on ne peut contenter qu’avec le secours d’autrui. A l’âge des cabanes rustiques, les hommes se contentaient des « arts qu’un seul pouvaient faire » (autarcie) Ensuite, avec la métallurgie et l’agriculture naissent les échanges sociaux qui vont fixer les inégalités naturelles en inégalités sociales. « Tous les animaux ont les facultés nécessaires pour se conserver. L’homme seul en a de superflues. N’est-il pas bien étrange que ce superflu soit l’instrument de sa misère ? Les grands besoins naissent de grands biens, et souvent, le meilleur moyen de se donner les choses dont on manque est de s’ôter celles qu’on a » (Rousseau- Emile Livre II)


"On croit m'embarrasser beaucoup en me demandant à quel point il faut borner le luxe. Mon sentiment est qu'il n'en faut point du tout. Tout est source de mal au - delà du nécessaire physique. La nature ne nous donne que trop de besoins ; et c'est au moins une très haute imprudence de les multiplier sans nécessité, et de mettre ainsi son âme dans une plus grande dépendance. Ce n'est pas sans raison que Socrate, regardant l'étalage d'une boutique, se félicitait de n'avoir à faire de rien de tout cela. Il y a cent à parier contre un, que le premier qui porta des sabots était un homme punissable, à moins qu'il n'eût mal aux pieds" ROUSSEAU "Dernière réponse de Jean - Jacques ROUSSEAU de Genève" in Discours sur les sciences et les arts.

Où cesse le besoin ? Où commence le superflu ? Rousseau n'a nulle peine pour répondre à la question qui lui est posée après le Discours sur les sciences et les arts où sont condamnées comme dangereuses et inutiles les connaissances, les techniques et les œuvres d'art. Le superflu commence précisément là où le besoin cesse.


Par le besoin, nous voici donc esclaves de la nature que notre travail s’efforce de transformer et esclaves des autres hommes dont la volonté dispose de notre liberté et de notre bonheur. Toutefois, autant le besoin augmente notre dépendance vis-à-vis des autres, autant il contribue à développer notre sociabilité, la division du travail, le commerce, l’invention. Le travail est créateur d’échanges sociaux. Il faut y reconnaître aussi la manifestation de la perfectibilité de l’homme. Critiquer les besoins que la société et l’histoire suscitent, ce serait inviter à rentrer dans l’état de nature, ce qui n’a pas de sens, (et ce que Rousseau n’a jamais fait)

NB : Notre époque peut se reposer la question du besoin sous un angle nouveau. La société de consommation nous rend dépendant d’une industrie qui crée des besoins superflus et nous engage à travailler en identifiant le bonheur à la possession de biens de consommation. (Et ceci dans un monde où certains parviennent à peine à donner satisfaction à leurs besoins vitaux.)