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Correspondance avec Elisabeth

Lettre du 4 Aôut 1645

texte


Ayant invité Elisabeth à lire Sénèque, Descartes pour la première fois précise nettement que son attitude à l’égard de l’analyse stoïcienne sera critique. « Je ne la trouve pas assez exacte pour mériter d’être suivie » Païen, Sénèque n’avait que « la raison naturelle pour guide ». Descartes n’en appelle qu’à cette même raison et non au x vérités de la foi. Le bonheur dont il essaie de tracer la voie est un bonheur terrestre, ici et maintenant, la question chrétienne du bonheur dans l’au-delà n’est pas posée. La morale stoïcienne prend en effet le bonheur pour fin. Les stoïciens veulent échapper aux maux dont la vie humaine est remplie : maux intérieurs : regrets, repentirs, chagrins, maux extérieurs, maladie pauvreté, deuil. (CF Chrysippe et l’ancien stoïcisme – Bréhier)



Quel contenu faut-il donner à ce concept de béatitude ? « Vivre en béatitude, écrit Descartes, ce n’est autre chose qu’avoir l’esprit parfaitement content et satisfait. » (P.110) Dans «La vie heureuse » Sénèque définissait le bonheur du sage en rappelant que pour les stoïciens, le bonheur suit de l’assentiment que le sage donne à l’ordre de la nature, qu’il connaît et comprend comme ordre nécessaire. « Vivre heureusement et vivre conformément à la nature est une seule et même chose » Ce jugement droit par lequel le sage donne son adhésion à ce qui arrive est sa vertu même et suffit pour le rendre heureux.

« L’homme heureux est celui pour qui rien ne se trouve bon ou mauvais en dehors d’une âme bonne ou mauvaise. Cet homme pratique ce qui est honnête, il se contente de la vertu ; les accidents de la fortune ne peuvent ni l’exalter, ni le briser. »

Les événements ne sont ni bons ni mauvais en eux-mêmes, il appartient au sage de porter sur eux un jugement droit.

« Le souverain bien est dans le jugement lui-même, dans la disposition d’une âme excellente » . La vie heureuse trouve donc stabilité et immuabilité dans ce jugement droit et fixe, mais cette paix de l’âme exclut toute passion. « On peut encore appeler heureux celui qui ne connaît ni désir, ni crainte grâce à la raison, or les pierres ignorent la crainte et la tristesse et de même le bétail, et pourtant personne n’appellerait heureux des êtres dépourvus de l’intelligence » . Le souverain bien suit de l’usage qu’on fait de sa raison.

« Le sage est impassible. ( sans passions – sans désir ni crainte) A la place du désir, il a le consentement à un ordre qu’il sait être le meilleur possible et dont il ne peut souhaiter qu’il soit autre. Il ignore la crainte, puisqu’elle se fonde sur la fausse idée qu’on se fait d’un mal futur et le seul mal est de déroger à la raison. » ‘(Robin, La morale antique P. 135)


A cette absence d’affectivité du sage stoïcien, Descartes oppose l’idée d’une béatitude qui n’est pas exempte de l’accomplissement de certains désirs. « Prenant le contentement d’un chacun pour la plénitude et l’accomplissement de ses désirs réglés par la raison (« Toutes sortes de désirs ne sont pas incompatibles avec la béatitude ».

Si l’homme est union d’une âme et d’un corps la sensibilité n’a pas à être niée, les satisfactions affectives peuvent faire partie de la béatitude, la raison intervient pour hiérarchiser les désirs, choisir entre eux. Les articles 141 et 144 du Traité des passions précisent l’analyse du désir. Lorsque notre corps éprouve de la douleur, il s’ensuit dans notre âme une passion, la tristesse, liée à la haine pour cette douleur, ainsi que le désir de s’en délivrer. Le désir est en nous le moteur de l’action, et c’est ce désir que la raison doit nous faire régler. Mais tous les désirs ne sont pas condamnables ; Art 141 : « Pour le désir, il est évident que lorsqu’il procède d’une vraie connaissance, il ne peut être mauvais ; »

Descartes rejoint l’intellectualisme stoïcien en ce que la raison éclaire la volonté de l’homme vertueux, mais il fait entrer dans la vie heureuse une part de satisfactions affectives.

Sénèque, en réponse à des objections faites au stoïcisme a soulevé dans « De la vie heureuse » la question de ce qu’on appelle parfois « les biens », richesse, santé, honneurs. Pourquoi le sage vivrait-il dans l’opulence ?

A cette question, le stoïcisme répond par une distinction. Le seul vrai bien réside dans la rectitude de la volonté qui éclairée par la raison adhère à l’ordre reconnu comme divin de la nature ;


Une fois que l’on a compris que le seul vrai bien est la rectitude de la volonté, les « convenables primitifs » ne sont plus considérés comme des biens. Ce sont des indifférents, mais parmi ces indifférents, certains sont préférables. (Cicéron De Finibus) « Les stoïciens ont voulu qu’il y eût un moyen de distinguer entre les objets qui n’ont pas le pouvoir de déterminer ni le malheur, ni le bonheur dans cette vie, si bien que parmi les objets, les uns eussent une valeur positive, d’autres une valeur négative, d’autres enfin fussent sans valeur ». ( ) Santé, intégrité des sens, absence de douleur, gloire, richesse, douleur maladie, perte des sens, pauvreté, déshonneur sont des indifférents. Parmi les indifférents, il y a des préférables, les préférables sont des indifférents dotés d’une valeur moyenne. « Qui donc parmi les sages, (…) n’affirmerait pas que les objets que nous appelons indifférents ne contiennent pas en eux-mêmes quelque valeur et que certains ne soient pas supérieurs aux autres ? » P.744 Le sage ne désire pas les dons de la fortune, mais s’il les possède, il ne les écarte pas de lui. Sénèque n’admet pas qu’on reproche au philosophe de vivre dans l’opulence, de même, il protège sa santé et prolonge s’il le peut le cours de sa vie. Richesse, santé honneurs, parmi les indifférents, font partie des préférables. Le sage « ne se considère pas indigne des dons de la fortune : il n’aime pas les richesses, mais il les préfère. Il ne les reçoit pas dans son cœur, mais dans sa maison. » (P743-744) Les dons de la fortune constituent même une matière plus large pour exercer sa vertu, mais jamais ne sage n’attache ses désirs à des biens qui lui sont extérieurs et qui pourraient lui être ôtés. (NB Le mot Fortune : il ne faut pas lui donner le sens de hasard =contexte stoïcien destin et pour Descartes : ce que la providence divine nous procure). Son bonheur dépend de la seule rectitude de sa propre volonté qui seule lui appartient, et non des préférables. « Quiconque enlèvera toute sa richesse au sage le laissera avec tout ce qui lui est dû. » 744


Descartes, en marge des considérations sur Sénèque semble reprendre l’analyse des préférables. « car il est certain qu’un homme bien né, qui n’est point malade, qui ne manque de rien, et qui avec cela est aussi sage et aussi vertueux qu’un autre qui est pauvre malsain et contrefait peut jouir d’un plus parfait contentement que lui. » (111)

Descartes reconnait-il l’existence de différents degrés de béatitude ? La rectification suit « Un petit vaisseau peut être aussi plein qu’un grand » (vase- récipient) On voit l’importance de l’idée de l’accomplissement de ses désirs selon la règle de la raison. Descartes n’a pas encore précisé dans cette lettre le contenu de cette règle, mais le Discours de la Méthode peut nous éclairer : notre volonté se porte naturellement « à ne désirer que les choses que notre entendement lui représente en quelque façon comme possible » (DM Voir aussi Alquié, note de l’Edition Garnier ) Nous ne désirons pas avoir des ailes pour voler ou des corps incorruptibles comme le diamant. Il faut reconnaître entre les hommes des inégalités, chacun a sa mesure et chacun a sa plénitude dans le cadre du possible que lui indique sa raison. La distinction est cependant bien stoïcienne entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas ; Il serait vain de vouloir rechercher un contentement qui dépende de la fortune.


Ayant reformulé en marge de Sénèque une définition de la béatitude, Descartes renvoie à trois règles qu’il dit avoir exposées dans son Discours de la Méthode ; la référence peut surprendre, pourquoi en 1645, sollicité par Elisabeth, Descartes renvoie-t-il à un texte de 1637 ?

La morale du Discours de la Méthode est dite morale par provision. Descartes a dit dans le discours qu’il compte rebâtir l’édifice du savoir. Toutefois, il se trouve confronté à l’urgence de l’action. Il faut agir avant d’être parvenu à une connaissance parfaite. Et enfin comme il n’est pas assez ….. où il puisse être logé commodément pendant le temps où il travaille » (Discours) La Deuxième préface des Principes, en 1647, situera la morale parfaite à l’extrémité de l’arbre de la sagesse. Il semble qu’il faille une connaissance parfaitement constituée pour bien agir. Descartes fait-il donc retour à une étape antérieure de sa réflexion ? S’agit-il de l’aveu d’un échec à constituer une morale, le stoïcisme servant de refuge ?

Alquié rencontre cette question et la formule ainsi : « Descartes renonçant à demander à une raison éclairée par de nouvelles découvertes ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire, renverrait en ce qui concerne la conduite à cet en- deçà de sa philosophie qu’est la tradition stoïcienne » (La Découverte métaphysique de l’homme P. 319 – Chapitre XVI Situation de l’homme ) On ne peut parler, nous l’avons vu, d’un pur et simple retour à la tradition stoïcienne, en ce qui concerne la définition de la béatitude ; pourquoi Descartes renvoie –t-il ainsi à la Troisième partie du Discours de la Méthode ?

Trois choses sont à conseiller à celui qui souhaite se rendre « content de soi »

En premier lieu, « se servir le mieux possible, de son esprit, pour connaître ce qu’il doit faire ou ne pas faire en toutes les occurrences de la vie » La perfection de l’action se subordonne à la connaissance qu’il faut accroitre et au perfectionnement intellectuel de chacun. Ce précepte renvoie à la conclusion du Discours de la Méthode dans laquelle Descartes se donne pour tâche de poursuivre le plus possible l’acquisition des connaissances « employer toute sa vie à cultiver (sa) raison … Il suffit de bien juger pour bien faire et de juger le mieux qu’on puisse pour faire aussi de tout son mieux, c'est-à-dire pour acquérir toutes les vertus. » Discours de la Méthode Lorsqu’il écrit cela dans le Discours, Descartes tient pour incontestable l’insuffisance de ses connaissances. Si à Elisabeth, Descartes écrit qu’il faut se servir le mieux possible de son esprit c’est pour reconnaître l’inégalité entre les entendements, c’’est peut être admettre aussi qu’à un moment donné la connaissance humaine n’est jamais achevée. « Il s’agit toujours, écrit G Rodis Lewis, d’agir selon le meilleur, qui varie quand notre connaissance progresse ; la raison une fois validée remplace tout naturellement les opinions reçues sans que notre savoir soit pour autant pleinement »rationnel » en chaque rencontre de la vie » (Descartes Livre de Poche P.565)

La deuxième chose à observer pour celui qui recherche le contentement de soi est d’avoir une ferme et constante résolution d’exécuter tout ce que la raison lui conseillera « (11) Descartes souligne ce point en y faisant résider l’originalité de sa conception de la vertu. La vertu cartésienne est une, à la différence de la multiplicité des vertus antiques et trouve son unité dans la volonté tendue vers l’accomplissement de ce que lui dicte la raison éclairée ; en cela réside l’indépendance de la vertu à l’égard des circonstances extérieures. Il dépend toujours de moi d’avoir une volonté droite disent les stoïciens, d’avoir une ferme résolution d’agir selon la raison écrit Descartes.

La deuxième maxime du Discours de la méthode insistait aussi sur la fermeté de la résolution, parce qu’il s’agissait d’agir en fonction d’opinions seulement probables. « Les actions de la vie ne souffrant aucun délai, c’est une vérité très certaine que lorsqu’il n’est pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies opinions, nous devons suivre les plus probables ». S’il est même besoin de choisir entre deux voies douteuses, il faut se tenir résolument au choix qui a été fait, ce qui est le meilleur moyen d’éviter les repentirs et les remords qui ont coutume d’agiter les consciences de ces esprits faibles et chancelants ». Les indications sur ce que conseille la raison ne sont données que dans une lettre ultérieure, mais si l’action humaine est condamnée à se situer dans le probable parce que la connaissance n’est jamais achevée, on comprend mieux en quoi le troisième précepte se situe bien dans la continuité du discours de la méthode « Si nous faisons toujours ce que nous dicte notre raison, nous n’aurons jamais aucun sujet de nous repentir encore que les événements nous fissent voir par après que nous nous sommes trompés » P.112 L’action humaine ne peut être éclairée par une connaissance parfaite. Seul l’entendement humain est capable d’une telle perfection. L’esprit humain ne peut être qu’en progrès et l’homme condamné à agir selon le probable.

Le troisième précepte de la lettre à Elisabeth retrouve donc les accents stoïciens, il s’achève par la distinction entre ce qui est en notre pouvoir et ce qui ne l’est pas : celui qui s’efforce de suivre les conseils de sa raison n’ a « rien omis de ce qui était en son pouvoir » ; et par contre, il ne désire pas ce qui est hors de son pouvoir La troisième maxime du Discours de la Méthode conseillait « de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune et à changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde » Si comme nous l’avons remarque plus haut, notre entendement nous renseigne sur ce qui est possible, comme « nous ne désirons pas plus de bras ou plus de langues que nous en avons, nous n’avons pas à désirer plus de santé ou plus de richesses que nous en avons."


Lettre du 18 Août 1645(Extrait)

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Cette lettre précise l'originalité de la morale cartésienne par rapport à l' eudémonisme antique. Il se situe par rapport à Aristote, les stoïciens (Zénon) et Epicure.

Descartes explique dans un premier temps , que pour lui le souverain bien n'est pas le bonheur. Le souverain bien,c'est la vertu, ou encore la rectitude de la volonté. Le bonheur n'est que la récompense de la rectitude de la volonté , ou l'attrait qui nous fait nous efforcer d'être vertueux. "la béatitude n'est pas le souverain bien " écrit-il.Elle est " le contentement ou la satisfaction d'esprit qui vient de ce qu'on le possède".

Descartes retient des stoïciens l'idée que le seul bien qui nous appartienne vraiment est notre volonté et l'usage que nous en faisons. Mais il retient aussi d'Epicure l'idée que l'homme vertueux a besoin de connaître un certain contentement de l'esprit.


Epicure a en effet voulu donner à l'homme la paix intérieure, la paix de l'âme. Il lui faut pour cela trouver un plaisir qui soit stable, puisque le bonheur est un état stable. L'épicurisme rejette donc tous les désirs vains ( désir d'immortalité, de gloire etc... ) et les désirs naturels, mais non nécessaires propres à engendrer les excès et l'insatisfaction. Il invite a ne satisfaire que les désirs naturels et nécessaires qui sont limités.

Descartes a bien lu Epicure. Epicure n'enseigne pas le vice, ne fait pas l'apologie de la débauche.Le plaisir ne renvoie pas seulement aux plaisir des sens, mais à un contentement de l'esprit. Descartes formule cependant une critique : "Epicure n'enseigne pas la vertu " En effet pour Descartes, le plaisir, le contentement de l'esprit ne constituent pas en eux mêmes le bien ou la perfection à rechercher. Ils sont la récompense de la conduite vertueuse, ou l'attrait qui la fait rechercher.

Pour expliquer cela, Descartes reprend la métaphore de l'archer et de la flèche qu'on tire vers un but. (rencontrée déjà en contexte stoïcien ) Si le centre de la cible (le blanc ) est la vertu, il faut pour avoir l'envie de tirer l'attrait d'une récompense, le contentement de l'esprit, (la béatitude ou le plaisir )

Mais, Descartes maintient une distance avec l'épicurisme La conduite parfaite (vertu) n'est pas définie par le plaisir ou l'absence de douleur mais elle réside dans le fait d'avoir une volonté droite (ce qui nous rapprocherait du stoïcisme ) Ici cependant, la volonté droite, c'est la volonté de bien user de son libre arbitre, c'est à dire de vouloir constamment ce que notre raison nous dicte être le vrai et le bien. ( voir l'autre lettre )

Si nous faisons tout ce que nous dicte notre raison , nous n'aurons jamais aucun sujet de nous repentir , encore que les événements nous fissent voir par après que nous nous sommes trompés.

La vertu stoïcienne est qualifiée par Descartes de trop austère. "Il ( Zénon) a représenté la vertu si sévère et si ennemie de la volupté". La vertu stoïcienne se ramène à la volonté droite , tendue dans l'acceptation de ce qui arrive dans l'ordre du destin.Le sage stoïcien peut être heureux alors qu'il ne connait plus aucune satisfaction de la sensibilité.Descartes maintient la perspective dualiste: notre esprit ne peut être "entièrement détaché du corps". Le généreux cartésien connait l'estime de soi, une satisfaction passionnelle, faite d'admiration retournée à bon droit sur soi même,lorsqu'il peut se dire qu'il a fait tous les efforts possible pour tendre son libre-arbitre vers la réalisation de ce que sa raison lui a montré comme étant le bien.


Lettre du 1er Septembre 1645(extrait)

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Descartes nous invite à une réflexion sur les passions et le bon usage qu'on peut en faire, en prenant comme exemple la colère et la volonté de vengeance. La passion contient en elle une erreur, et notre entendement nous éclairant sur la vraie hiérarchie des biens peut nous aider à faire un choix contraire à celui de la passion. Suffira-t-il au passionné de connaître son vrai bien pour vouloir le faire ? On peut parfois en douter. Descartes ne croit pas à la toute puissance de la volonté sur la passion. Le passionné use d'une passion pour lutter contre une autre passion. La sagesse cartésienne ne méconnait-elle pas quand même la puissance de la passion ?


La passion est un trouble de l'âme provenant d'un émoi physiologique, aussi Descartes considère -t-il la colère comme une passion.Les élans passionnels sont toujours excessifs et la passion nous empêche de bien juger. Descartes emploie le mot"imaginer" pour souligner qu'il y a de l'erreur dans la passion.Nous nous trompons dans la considération de ce qui est bon pour nous : "Nous imaginons plus de plaisir à châtier notre ennemi qu'à conserver notre honneur et notre vie". ou encore nous attribuons nous une fausse supériorité sur notre ennemi.


Aux erreurs de l'imagination, Descartes oppose le travail de l'entendement capable de rétablir la vraie hiérarchie des biens. L'honneur et la vie valent plus qu'une supériorité imaginaire sur celui dont nous nous vengerions.


Il faut maintenant vouloir ce que la raison a reconnu comme étant notre vrai bien, substituer la clémence à la vengeance. Notre volonté peut elle directement faire taire en nous la colère ? Descartes ne le pense pas.Nous n'avons pas un pouvoir direct sur notre corps. (exemple de la prunelle)Descartes nous invite en fait à ruser avec nos passions et à lutter contre une passion par une passion contraire. L'âme noble tire en fait satisfaction à se voir maîtresse de sa colère en s'abstenant de se venger.Dans Cinna, Auguste pardonne aux conjurés et substitue ainsi le mouvement de la gloire à celui de la colère. Le généreux cartésien trouve en ne cédant pas à sa passion une occasion de s'estimer lui même. Renonçant à se venger, il regagne une vraie supériorité sur son ennemi, et devient ainsi digne de louanges. Il a bien usé de son libre arbitre. Ce bon usage fonde la dignité de la personne et en lui réside le souverain bien.Les contentements les plus stables en découlent. Qui a bien usé de son libre arbitre peut s'estimer lui même à bon droit. Cette estime légitime de soi est aussi une passion(dérivée de l'admiration), mais elle n'a aucun côté néfaste.Elle fait partie de ces passions dont Descartes estime qu'elle contribuent "à la douceur de la vie".


Par cet exemple, Descartes veut donc montrer à la princesse Elizabeth qu'on n'est jamais vraiment prisonnier de ses passions

Remarques :

- Le souverain bien cartésien réside dans la rectitude de la volonté : vouloir ce que la raison nous présente comme étant le bien (et tout faire pour l'accomplir), Il faut donc connaître pour être moral, mais Descartes sait bien que nous ne sommes pas omniscients. Si nous avons tout fait pour connaitre le bien, et qu'il s'avère que nous nous soyons trompés, nous pourrons quand même nous estimer nous même à bon droit. La rectitude morale est donc du côté de la volonté plus que du côté de la connaissance. (CF Kant : seule est bonne la bonne volonté)

-Connaissant le bien, nous choisissons de le faire, la lettre à Mesland remarquait pourtant que s'il s'agissait de montrer la puissance de notre volonté nous pouvions nous faire indifférents et refuser d'affirmer le bien et le vrai. Ici, c'est l'intellectualisme qui l'emporte : notre volonté se tourne vers ce que la raison nous montre comme étant le bien..