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L'existentialisme est un humanisme

Extrait de l'Existentialisme est un humanisme de Sartre;


«Ainsi, l'homme qui s'atteint directement par le cogito(1) découvre aussi tous les autres, et il les découvre comme la condition de son existence. Il se rend compte qu'il ne peut rien être (au sens où on dit qu'on est spirituel, ou qu'on est méchant, ou qu'on est jaloux) sauf si les autres le reconnaissent comme tel. Pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l'autre. L'autre est indispensable à mon existence, aussi bien d'ailleurs qu'à la connaissance que j'ai de moi. Dans ces conditions, la découverte de mon intimité me découvre en même temps l'autre, comme une liberté posée en face de moi, qui ne pense, et qui ne veut que pour ou contre moi. Ainsi, découvrons-nous tout de suite un monde que nous appellerons l'inter-subjectivité, et c'est dans ce monde que l'homme décide ce qu'il est et ce que sont les autres. »

J. P SARTRE

(1) Je pense


Questions sur le texte: (N'oubliez pas de citer les bribes de textes qui éclairent particulièrement vos réponses)

1/ Expliquez le «Je pense» cartésien et dites en quoi il s'agit de constituer «directement» une connaissance de soi.

2/ L'homme a-t-il une nature ou une essence pour Sartre?

3/ Quelle relation chaque homme entretient-il avec autrui?

4/ Si autrui est une liberté en face de moi, que devient ma propre liberté?

6/ Rédigez une introduction concise à l'explication de texte: (Thèse de l'auteur, problématique)

7/ Est-ce dans la solitude qu'on prend conscience de soi ? (Développez la réponse sur une trentaine de lignes au moins comme une petite dissertation.)


Quelques directions pour une analyse:


Introduction possible : thèse de l'auteur, problématique: L'inter-subjectivité est-elle première? ( La relation entre les consciences.)Sartre critique dans ce texte la solitude de la conscience décrite par Descartes. Pour lui les consciences sont toujours en relation les unes avec les autres, même si cette relation contient des tensions et des luttes.L'exigence de reconnaissance devient ainsi fondamentale.Faut-il en souligner les pièges possible, faut-il au contraire y voir un "besoin humain vital"?( comme l'écrit Taylor)


Au terme de la démarche du doute méthodique, Descartes fait l'expérience d'une connaissance directe de soi et de son essence acquise par une réflexion solitaire. Le monde a été mis en doute, la conscience cartésienne se retrouve seule (on parle de solipsisme) et elle affirme son essence ou sa nature. Il s'agit d'analyser ses idées, je contenu de sa conscience de soi.Elle s'approfondit pour Descartes en connaissance de soi. Je me connais moi-même comme substance spirituelle. Autrui devra être déduit, son existence sera reconstruite dans une démarche ultérieure mais il n'intervient dans la connaissance de soi.


Sartre récuse les affirmations cartésiennes. Notre conscience de nous même appréhende en même temps que la nôtre l'existence d'autrui. "L'homme qui s'atteint directement dans le Cogito, découvre aussi tous les autres". Les hommes sont conditions de mon existence. Sartre affirme d'abord sa thèse et donne ensuite des exemples. Nos qualités " être spirituel, être méchant, être jaloux" dépendent de la reconnaissance de l'autre. "L'homme ne peut rien être". Il n'a pas de nature ou d'essence. Il n'est pas défini une fois pour toutes comme le pourrait l'être le coupe-papier, par le projet d'un artisan créateur.(L'existentialisme sartrien est athée.) L'homme n'est en un sens "rien", parce qu'il est libre de se choisir dans l'existence.

Par contre, il va vers l'autre, en attendant que l'autre le définisse. L'autre le"reconnait". Sartre reprend l'analyse hégélienne exposée dans la dialectique du maître et de l'esclave( Phénoménologie de l'Esprit.Le maître n'est confirmé dans sa maîtrise que par le regard que l'esclave jette sur lui. Je ne me connais moi-même que par la médiation d'une conscience étrangère. Ainsi ne sommes- nous " jaloux" par exemple, que dans l'expérience de la honte. Autrui me surprend à regarder par le trou de la serrure pour m'enquérir des faits et gestes d'un de mes proches. Dans l'expérience de la honte, et par le regard d'autrui, je découvre un aspect essentiel de moi- même que j'aurais ignoré sans cela. Le moi s'apparaît de manière essentielle comme relié à l'autre. "L'autre est indispensable à mon existence, aussi bien qu'à la connaissance que j'ai de moi même". Autrui, c'est l'alter ego. Un moi semblable à moi, une autre conscience, mais en même temps différente de la mienne. Autrui me donne mon existence, je suis une conscience dans ce monde de choses, mais j'ai besoin que le regard d'autrui sur moi me confirme dans ce que je suis.

Sartre décrit cependant une relation conflictuelle entre les consciences. J'ai besoin d'aller vers l'autre afin qu'il me reconnaisse en tant qu'individu libre, mais lui peut me refuser cette reconnaissance. Autrui se détermine à mon égard positivement ou négativement. La liberté de l'autre menace ma propre liberté. Autrui me fige en objet, il me dépouille de mes choix possibles. Je sors de prison, je suis " le délinquant" sous le regard d'autrui alors que différents choix de vie s'offrent à moi. Garcin dans "Huis Clos" qui se passe en enfer est le "lâche" dans la mémoire des hommes, puisqu'il a été fusillé pour désertion, et être mort, c'est justement ne plus pouvoir choisir. Sous le regard d'autrui, je deviens une sorte d'objet, défini, déterminé, avec une essence, mais c'est réciproque puisque moi aussi, je jette sur les autres un regard qui juge.