rilpoint_mw113

Le Banquet de Platon

Sommaire

Le Banquet

Bibliographie :

Platon et le miroir du mythe . Jean François Mattéi. PUF - Thémis.


Quelques remarques générales

C'est un texte original dans l'œuvre de Platon, ce n'est pas un dialogue. Le texte se présente comme une "narration de narration ". Glaucon hèle Appolodore et se fait raconter par lui les discours tenus lors d'un banquet donné chez Agathon, il y a bien des années. Appolodore tient le récit d'un certain Aristodème qui lui même a assisté à ce Banquet. Aristodème n'était pas invité, mais il s'est fait inviter par Socrate qui se rendait au banquet, un Socrate, qui exceptionnellement portait des sandales et avait soigné sa tenue.

Socrate semble donc hésiter à se rendre seul chez Agathon : il se fait accompagner par Aristodéme .La maison d'Agathon est en effet pleine d'invités qui tous,si l'on excepte Aristophane, sont des adeptes des sophistes.Elle est donc comme un camp ennemi.Aristophane lui même, ennemi des sophistes est un adversaire de Socrate.

Socrate passe d'ailleurs la moitié de la nuit sous un porche voisin, avant de se décider à rejoindre le Banquet.


Les protagonistes du Banquet :

Ils existent réellement : Platon fait des pastiches. Le Banquet a eu lieu chez Agathon, auteur tragique connu, jeune talent, auteur précieux. Platon souligne son charme et sa jeunesse.Les convives ont déjà beaucoup bu la veille, et ils décident de s'abstenir de boire jusqu'à l'ivresse et de passer plutôt la nuit à prononcer des discours. (au passage, on dit de Socrate qu'il est le seul à être capable de boire sans être ivre, tout en étant capable aussi de discourir . Au matin, seul parmi les convives, Socrate repart, frais et dispos pour une nouvelle journée.)

Le thème choisi est celui de l'amour.Chacun fera l'éloge d' Eros.

Les convives doivent prendre la parole à tour de rôle selon la place qu'ils occupent dans la salle. Aristophane va céder son tour, parce qu'atteint d'un hoquet il ne peut pas parler. Il reprendra la parole, une fois guéri de ce hoquet.

Dans les banquets traditionnels, les convives sont masculins. Les seule femmes présentes peuvent être des musiciennes, des esclaves. On renvoie ici la joueuse de flûte . Une femme va pourtant jouer un grand rôle dans ce banquet : Diotime. Pour respecter la tradition, elle n'est pas présente, mais Socrate va rapporter son discours.(Elle parle en fait pour Platon)

Chacun des protagonistes prononce un discours qui sera repris à un niveau supérieur par Diotime.C'est une prêtresse. Socrate est l'animateur du discours, mais ce n'est pas lui qui parle le plus .On verra que chacun des discours contient au fond une approche de la vérité, sous forme imagée et qu'il appartiendra à Diotime de dévoiler et de remettre en perspective la part de vérité contenue dans chacun des discours De l'éloge de l'amour, on passera à l'éloge de la philosophie, puis à l'éloge de Socrate.

Le dernier à prendre la parole est Alcibiade. Il fait un éloge de Socrate.En fait tout le Banquet,tourne autour du personnage de Socrate, qui incarne l'amour et la philosophie.


Organisation du texte :


¤Les théories non- philosophiques de l'amour dues à cinq orateurs: Phèdre, Pausanias, Eryximaque, Aristophane et Agathon (178a-197a)


¤La conception Socratique de l'amour , exposée par Diotime (198a-212c)


¤L"éloge de Socrate par Alcibiade;(212c-223d)


A quelle question philosophique précise trouve-t-on une réponse dans le Banquet ?

Dans les écrits de jeunesse de Platon, Apologie de Socrate, Criton, la théorie des Idées existe à peine

Le Banquet fait partie des écrits de la période de maturité. (avec le Phédon, la République (II à X), le Phèdre.) La théorie des Idées et la notion de dialectique apparaissent.

La question du Banquet est celle des intermédiaires.

A la question:" Comment sortir de l'ignorance et tendre vers la vérité? ", Le Ménon répond qu'il y a un intermédiaire entre le savoir et le non- savoir: c'est la réminiscence. (Cf.: le petit esclave de Ménon, qui sans avoir appris la géométrie redécouvre en lui même le savoir et parvient à trouver le carré dont la surface est double de la surface d'un premier carré.).

La notion d'intermédiaire est au premier rang dans le Banquet : Eros manque de tout à cause de sa mère, l'indigence, et il est désir de ce qui lui manque, à cause de son père, la richesse, il s'efforce de récupérer son bien.L'amour est un mixte et un intermédiaire, comme l'opinion vraie est un intermédiaire entre le savoir et le non savoir. L'amour est un démon. Intermédiaire entre le beau et le laid, le bon et le mauvais, et il n'est pas lui même bon ou mauvais. L'accès à la sagesse est gradué. Le Banquet détermine l'intermédiaire tant du point de vue affectif qu'intellectuel.

Le discours de Phèdre 178a-180b

Chacun des convives veut prononcer le plus beau des discours, c'est une joute amicale.

Les premiers discours témoignent du contexte culturel grec dans lequel ils s'inscrivent. Ils puisent dans la mythologie et la tradition. Il appartiendra à Socrate de dévoiler les limites de cette tradition et de la dépasser. Phèdre dit que l'amour est un grand Dieu, et il fait l'éloge de la relation valorisée dans l'aristocratie grecque, qui lie l'adulte (amant)au jeune garçon(bien-aimé). Le lien amoureux ennoblit les actions, chacun veut se dépasser sous les yeux de celui qu'il aime. Chez Homère le Dieu"insuffle la force à certains héros", " l"amour la procure aux amants dit Phèdre. Pour illustrer ses propos, il a recours à un exemple tiré de la mythologie, l'exemple d'Alceste qui donne sa vie pour son époux, alors que les propres parents de celui-ci avaient refusé de se sacrifier. (179b). Il cite également Achille qui sait qu'il va mourir s'il entreprend de venger Patrocle. (179e) "Je prétends que l'amour est le plus ancien des dieux, le plus digne d'honneurs et le plus apte à conduire les hommes à la vertu et au bonheur, pendant leur vie, comme après leur mort" (180b) Phèdre conclut ainsi son discours. On voit que cette affirmation qui s'inscrit assez platement dans la tradition pourra être reformulée par Socrate - Diotime. C'est bien, l'amour, lorsqu'il est purifié, qui tourne les hommes vers la vertu et le bonheur, que seule la quête de la vérité peut procurer, sera -t-il dit plus tard.

Le discours de Pausanias:180d - 181 e

Pausanias dit que son discours est improvisé, en fait il est préparé.Pausanias est l'amant déclaré d'Agathon. C'est un homme cultivé. , attaché à la pédérastie. (Voir Michel Foucault - Aphrodisia - Histoire de la Sexualité T II )


Les Aphrodisia sont les gestes, les actes qui procurent un certain plaisir.Le désir est un mouvement dirigé par la nature vers ce qui fait plaisir .En Grèce , nourriture, boisson , activité sexuelle constituent la matière d'une problématique analogue.La question générale est comment prendre son plaisir comme il faut, c'est une question non pas de permis et de défendu, mais une question de prudence, de contrôle de ses actes . Comment définir un bon usage des plaisirs en fonction du besoin, du moment, du statut ?

En fonction du besoin : la pratique des aphrodisia ne peut être honteuse puisqu'elle est naturelle. La tempérance n'est pas une annulation des plaisirs, mais une pratique des plaisirs qui est capable, en usant de ceux qui sont fondés sur le besoin de se limiter elle-même. La question:besoin, de se limiter elle même. Il ne faut pas multiplier les désirs, parle recours à des plaisirs quine sont pas dans la nature.


En fonction du moment : la prudence, c'est l'aptitude à mener la politique du moment. A l'échelle d'une vie, il ne faut pas être trop jeune ou pas à un âge trop avancé. On tient compte du moment de la vie ou on se trouve.


En fonction du statut ; il n'y a pas de morale universelle, mais une morale qui dépend du statut que l'on a. La tempérance est la vertu de ceux qui ont un rang dans la cité. Le grec cherche à se conduire comme il convient (ce qu'on appelle sophrosune) II cherche aussi une maîtrise de soi , une forme de rapport à soi qui permette de résister et de lutter, d'assurer une domination sur ses désirs. L'activité sexuelle, est l'objet d'un souci moral, parce qu'elle est virtuellement excessive, et qu' il faut des freins plus forts

Le discours de Pausanias reflète le discours culturel grec. Pausanias distingue l'Aphrodite céleste de l'Aphrodite vulgaire .Ce qui est condamné, ce n'est pas la sexualité, mais l'intempérance dans la sexualité.La ligne de partage n'est pas entre homosexualité et hétérosexualité, mais plutôt entre continence et incontinence." Il en est ainsi de toute action, en elle même, une fois qu'elle est réalisée, elle n'est ni belle, ni laide (....) mais c'est pendant qu'elle se réalise , selon la façon dont on procède , que se réalise sa valeur.Si l'on agit selon le beau et le juste, elle devient belle." (181a )

  • L'Aphrodite vulgaire est surtout liée à l'amour des corps, homme ou femme.
  • L'Aphrodite céleste : Pausanias développe le thème aristocratique grec de l'amour des jeunes garçons. Un débat existe en Grèce autour de ce thème.On s'interroge sur les limites dans le temps d'une telle relation, on définit ce qui est conforme à l'honneur du jeune garçon. Peut il se reconnaître comme un objet de plaisir? Comment deviendra-t-il un homme libre ? Des échos de ce débat se trouvent dans ce texte . I 1 s'agit d'être tourné vers l'intelligence de l'autre, de p a r t a g e r la v i e de l ' a u t r e sans a b u s e r de lui.La p é d é r a s t i e e s t liée à l ' é l o q u e n c e , à l ' a m o u r de la p a r o l e . L'amour fa i t naître chez les sujets des sentiments élevés.il s'agit d'aimer l'âme plutôt que le corps;de tourner l'amour vers l'intelligence de rester fidèle quand l'amant vieillit.On loue la solidité et la constance, il s'agit de devenir meilleur grâce a l'autre. La pédérastie est justifiée par la vertu.


"Aucun acte s'il est accompli dans le respect des règles et des convenances ne mérite d'être blâmé" (182a )

Dans le discours de Diotime, on retrouvera l' idée que l' homme dans l'amour peut se dépasser et que l'amant s' il a les vertus d'un Socrate peut apprendre à ses disciples à tourner leur amour vers des réalités supérieures.


Le discours d'Eryximaque 185d-189a

Le discours d'Aristophane 189a -192d

C'est un grand auteur comique. Platon met dans sa bouche un mythe célèbre et profond.. Aristophane dit que les amants ignorent pourquoi ils s'aiment. Cet amour provient d'un désir obscur et inconscient qui trouve son origine dans un châtiment de Zeus. L'amour est expression d'un manque, recherche d'une unité perdue. L'amour entreprend de ramener à l'unité primitive, de guérir la nature humaine. Quand on rencontre sa moitié, on éprouve un sentiment de familiarité, d'amour. Dans notre nature primitive, nous étions des" tout". L'amour est désir et poursuite de ce tout. L'amour reconstitue l'antique nature.


"C'est le désir et la quête de ce tout que nous appelons Amour" (192a) Le désir est bien défini comme manque et la condition humaine est décrite comme traversée par la conscience de ce manque . Mais les hommes ont tort de chercher la plénitude dans l'amour d'un autre être humain. Socrate montrera que seule la connaissance peut combler.

Diotime dira que ce que nous recherchons n'est pas un retour au passé, mais un dépassement. L'amour est désir du bien, de l' immortalité.

Platon ne reprend les questions traditionnelles que pour montrer que dans les réponses hâtives qu'on donne, on rate les questions essentielles. IL ne s'agira plus de dire : "Qui faut-il aimer et dans quelles condition l'amour est il honorable pour l'aimé et pour l'amant ? " On passe de la question de la conduite amoureuse à la question : "Qu'est ce que l'amour même, quelle est sa nature, quelles sont ses œuvres ? "

Nature de l'amour Il est un intermédiaire (il est défaut et manque, puisqu'il n'est pas en possession des choses belles qu'il désire)

Objet de l'amour : L'amour cherche à enfanter dans la pensée et à voir le beau en lui même. L'amour des corps n'est pas condamné, c'est un point de départ. Ce n'est pas l'exclusion des corps qui caractérise le véritable amour. A travers les apparences de l'objet, il est rapport à la vérité.

Le discours d'Agathon (184e)

Agathon est donc l'Hôte, celui qui vient d'être récompensé par un prix de poésie. Les autres intervenants ont fait l'éloge de l'amour, Agathon souhaite dire "ce qu'il est en lui même" ." "Quelle est sa nature "


Le discours de Socrate

Socrate se dit dans l'embarras et incapable de faire un discours qui puisse concurrencer ce qu'on vient d'entendre.

Il demande à mener un "contre-interrogatoire" d'Agathon, avant de prendre lui même la parole.

Le discours de Diotime : 201d « Ecoutez plutôt le discours sur Eros que j'ai entendu un jour de la bouche d'une femme de Mantinée. " Socrate prend la parole. Il prétend rapporter les propos d'une prêtresse Diotime qui l'a initié aux mystères de l'amour. Il rapporte en fait la thèse de Platon, puisque nous sommes dans un dialogue de la maturité de Platon.

On répond au discours d'Agathon. Celui-ci a présenté Eros comme un Dieu, a dit qu'il était beau, et qu'il était amour de la beauté. Socrate va réagir à cela en se présentant comme ayant tenu devant Diotime des propos analogues à ceux d'Agathon. (201 e).

Le point de départ consiste à remarquer que si Eros est un Dieu, il ne manque de rien. S'il au contraire il aime le beau, il ne peut être beau lui-même, et il manque de quelque chose.

II ne peut être dit beau, et il n'est pas un Dieu.

Ce qui n'est pas beau, est-il laid ? Il s'agit de montrer qu'Eros est un intermédiaire. La question est celle de la nature de l'amour. Diotime prend une comparaison qui est utile. La comparaison a une fin pédagogique, mais ici en plus elle va dans le sens de la véritable question. En effet la vraie question qui se pose dans le dialogue est celle du savoir et de la philosophie. Lorsqu'on est ignorant, on n'a aucune idée de l'existence possible d'un savoir. Comment pourrait -on avoir l'impulsion de se mettre en quête du savoir ? Quel est le point de départ de la philosophie ?


Diotime introduit l'idée qu'entre savoir et non- savoir il existe un intermédiaire. Ici, l'opinion droite. Celui qui vit au niveau de l'opinion tient pour vrai ce qu'il avance sans avoir réfléchi ni cherche à fonder ses affirmations. Or il arrive qu'on puisse dans l'opinion rencontrer par hasard la vérité. S'il s'agit d'aller à Larisse, celui qui a fait le chemin en possède un vrai savoir. Mais il arrive que quelqu'un, sans avoir jamais fait le chemin puisse proposer un itinéraire qui s'avère exact. Il en a une « opinion droite » Il a rencontré la vérité mais sans pouvoir fonder ses propos. (Cet exemple est pris dans le Menon) Une activité dont on ne rend pas raison n'est pas un savoir, mais puisqu'elle atteint la réalité, elle n'est pas non plus ignorance.( 202a)


Ce qui n'est pas beau n'est pas nécessairement laid, mais peut être un intermédiaire entre les deux.. De la même manière, Eros qui désire les belles choses ne peut être un Dieu qui ne manque de rien.Il va être décrit comme un démon, intermédiaire entre les dieux et les hommes.


Diotime raconte le mythe de la naissance d'Eros, (203b-204a)

La figure d'Eros renvoie à Socrate et à la philosophie. Le mythe ( inventé ici par Platon) raconte qu'Eros est le fils d'un Dieu et d'une mortelle, le fils de Poros, la ressource, la richesse, ou l'expédient, et de Penia, l'indigence, la pauvreté. (Platon personnifie Poros, qui en Grèce signifie, le passage, maritime ou fluvial. (Voir note)

On peut ainsi montrer que dans l'amour se rencontre un mixte. L'amour comme sa mère est un gueux qui manque toujours de tout, qu'on peut décrire en haillons. (C'est le propre du désir). Par contre, de son père, il tient l'élan qui le fait dépasser cette indigence, il est tourné vers le savoir et capable de trouver des chemins pour s'avancer vers celui-ci. « Il est passionné de savoir, il passe tout son temps à philosopher » (203d)

On comprend là ce qui est au centre du problème. La véritable indigence est le manque de savoir. Le philosophe, ami de la sagesse est celui qui a pris conscience de son ignorance, se tourne vers la vérité, recherche le savoir. L'amour est à la fois manque et élan pour dépasser ce manque.


La description d'Eros renvoie à la figure de Socrate, souvent décrit comme une sorte de gueux qui ne se préoccupe pas de son apparence et qui va pieds nus. Socrate est aussi celui qui affirme sa propre indigence ; il se décrit comme un ignorant. Il le fait encore dans le Banquet ou Diotime est censée l'instruire. Il a pris conscience de son ignorance et c'est la seule supériorité qu'il se reconnaisse sur ses concitoyens. Par contre il s'assigne comme rôle de les éveiller et de les arracher au monde de l'opinion « Je suis l'aiguillon qui pousse le grand bœuf athénien endormi » (Apologie de Socrate) Il est l'intermédiaire entre le savoir et le non- savoir.


Le Banquet souligne la fécondité de l'élan amoureux, mais Socrate va montrer comment tourner cette fécondité vers ce qui importe vraiment : la recherche de la vérité.


204C/ Quelle est la nature d' Eros et quelle est son utilité pour les êtres humains ? Socrate s'appuie sur la proximité existant dans la langue grecque : beau et bon sont interchangeables. Aimer le beau, c'est aimer le bon. Qu est ce qu 'aimer ? Chacun souhaite posséder des bonnes choses et les posséder toujours, c'est à dire être heureux. (On reconnaît l'idée de bonheur comme état stable) Pour comprendre les différents aspects de l'amour, on fait une comparaison avec le mot poésie L'activité poétique est une activité de fabrication (poiésis) mais il y a beaucoup de sortes de fabrications. Les ouvrages des artisans sont de l'ordre de la fabrication, ainsi que ces fabrications particulières qu'on appelle poèmes. Tout amoureux aime les bonnes choses, mais le désir de ce qui est bon est diversifié (de la même manière que l'activité poiétique se diversifie) 205 d - on peut aimer les richesses - les exercices du corps - le savoir On garde le nom d «'amoureux » pour ceux qui se tournent vers un autre être humain.

Diotime reprend le mythe d'Aristophane et le corrige. L'amour n'est pas amour de sa moitié perdue. Si cette moitié était mauvaise, on ne la rechercherait pas. (On peut s'amputer d'un membre quand il est mauvais) Par contre chacun recherche le bon et le veut durablement. Qu' est-ce que l amour ? « L'objet de l'amour est en somme d'avoir toujours à soi ce qui est bon » 206a Dans l'amour, il y a toujours un désir immortalité-

Ceux qui aiment ? Quelle existence mènent-ils ? On peut rechercher l'immortalité dans la génération : se perpétuer selon les corps 207 b -d : Tous les animaux sont ainsi poussés par la nature à procréer, ils perpétuent leur existence, c'est leur manière d'être immortel. La nature mortelle n'est pas immuable comme celle des dieux, tout au long de leur vie, les mortels se renouvellent et ils font grand cas de leur descendance (208a 208b) Le désir d'immortalité peut se manifester de plusieurs manières ; on peut rechercher les honneurs, la richesse (208 e) On peut aussi vouloir être fécond selon le corps et s'attacher aux femmes. Une autre sorte de fécondité est celle des poètes, des artisans. On peut aussi vouloir être fécond selon l'âme. Il s'agit alors de s'attacher aux belles âmes et d'engendrer de beaux discours (ou discours vrais.)



Passage essentiel 210 a : L'ascension vers l'Idée (Revoir le cours sur l'art)


Si la beauté est susceptible d'être saisie intellectuellement, le platonisme invite à se détourner de la beauté sensible dans un mouvement de dialectique ascendante. La beauté incarnée (dans un corps) a ce privilège d'être une voie qui nous invite à la connaissance. De quoi manquons nous vraiment ? De vérité. Le désir amoureux qui nous tourne vers la beauté d'un corps doit se purifier et devenir amour de tous les beaux corps, c'est à dire de la proportion, de l'harmonie, puis amour de la beauté des institutions et des lois, puis amour de la beauté de l'âme. Le chemin est un chemin d'abstraction grandissante. La proportion ou l'harmonie des corps se saisissent intellectuellement (canons du beau, nombre d'or). La beauté des institutions et des lois ne peut être que leur justice. Les lois justes introduisent l'ordre et l'harmonie dans la cité en mettant chacun à la place qui lui convient. L'âme juste est l'âme ordonnée, harmonieuse. (Socrate, dans l'éloge qu'en fait Alcibiade incarne cette justice de l'âme. en lui, ce qui vaut mieux, la raison, gouverne).


Par degrés, l'âme se tourne vers le monde des idées et saisit une beauté éternelle immuable, L'Idée de beau. Par ce moyen l'âme se tourne vers le monde des idées, elle comprend ce qu'est la connaissance. "Une réalité qui n'est pas soumise au changement qui ne naît ni ne périt... qui ne croit ni ne décroît « (211b) La beauté sensible n'est donc qu'une manifestation d'une autre beauté, non sensible celle-là.



L'éloge de Socrate par Alcibiade (215b)

Ce portrait de Socrate nous permet de comprendre l'influence que Socrate a eue sur ses contemporains. Il incarne pour toute une tradition une forme de sagesse.


En même temps, en décrivant Socrate et les relations qu'il entretenait avec les Athéniens de son entourage, Alcibiade donne l'illustration du véritable amour, celui qui est en filigrane de textes les analyses du Banquet.


Socrate est comparé à un Silène. Silène est le père des satyres. On faisait apparemment des figures de Silène qui en s'ouvrant laissaient voir la figure d'un Dieu (comme les poupées russes).La laideur de Socrate est proverbiale, elle étonne les grecs, car leur langue associe le beau et le bon. L'âme de Socrate est belle dans un corps laid. Socrate décrit l'effet qu'il produit sur ceux qu'il rencontre. Alcibiade reconnaît que Socrate lui fait comprendre à chaque fois qu'en se préoccupant de politique il n'a pas suffisamment le souci de sa propre âme ; « je continue à n'avoir pas souci de moi même, alors que je m'occupe des affaires d'Athènes » (216a) L'injonction socratique telle qu'on la résume est « Connais toi toi même", prends soin de ton âme)


« Un penchant amoureux mène Socrate vers les beaux garçons .." 216d Socrate est celui qui détient la vérité du discours amoureux codifié par l'aristocratie grecque tel que Pausanias l'a décrit. Il s'intéresse à l'âme des jeunes gens pour les sortir de leur ignorance. Alcibiade décrit l'échec de ses tentatives de séduction à l'endroit de Socrate (217c) 218 e Socrate souhaite « rendre meilleur Alcibiade ». Alcibiade pourrait troquer « beauté contre beauté » et entreprendre d'acquérir la beauté véritable (219a) celle de l'âme. Alcibiade sûr de sa beauté échoue à séduire Socrate et loue sa fermeté d'âme. Socrate n'est pas plus accessible à la séduction de l'argent. ( les stoïciens feront plus tard de Socrate le modèle de l'homme libre, parce qu'il n' y a pas de biais par lequel le prendre )

Alcibiade décrit ensuite Socrate à la bataille de Potidée.

Il fait encore le portrait d'un sage qui brille par sa mesure (220a personne n'a jamais vu Socrate ivre) Alcibiade le décrit aussi impassible dans les pires conditions, pieds nus, vêtu d'un manteau ordinaire dans le plus grand froid. Il médite, quelles que soient les conditions extérieures. C'est l'homme du gouvernement de soi. Les stoïciens puiseront là aussi, dans Socrate, un modèle de sage libre.


Au passage, on le décrit adressant sa prière au soleil. Socrate se définit toujours comme citoyen et respecte les dieux de sa cité, même s'il s'interroge sur le divin.


Lors du combat Socrate qui combat à pied ( il est pauvre, et chacun payait soi même ses armes) vient au secours d'Alcibiade et reste maître de lui même dans la défaite et la retraite. (221) « Il fait preuve d'un sang froid plus grand que celui de Lachés » (Platon consacre un dialogue au courage : le Lachés, du nom d'un chef militaire qui a la réputation de courage)


Alcibiade décrit enfin l'effet qu'ont sur lui les discours de Socrate : (221 e) On lui reproche toujours d'employer des mots ordinaires, un langage qui n'est pas orné comme celui de la rhétorique. « Il parle d'ânes bâtés de foulons ... Mais ses discours sous leur apparence vulgaire aident à devenir un homme accompli.Tout le Banquet disait cela : la vraie fécondité est celle de l'esprit et Socrate, c'est celui qui accouche les esprits des vérités qui y sont enfouies, il tourne les âmes vers la recherche de la vérité. Alcibiade rapporte qu'il agit de même manière envers tous les jeunes gens.


Au matin tous les convives sont endormis et Socrate s'en va accomplir normalement sa journée dans la cité.